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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/520

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il porta l’Amérique à intervenir dans la guerre, ses vues, inspirées par un haut idéal américain, — d’où l’absolutisme puritain n’est pas absent, — pouvaient être adaptées par une juste critique aux nécessités de la vie européenne.

J’ai des raisons de penser que, dans la période qui a suivi immédiatement la suspension d’armes, le président Wilson demanda que certaines mesures de précaution fussent prises à l’égard des armées allemandes, mesures qui eussent établi avec plus de force, sans doute, aux yeux du peuple allemand, le fait que ces armées étaient réellement battues.

Quoi qu’il en soit et pour rester sur la question des principes, le président Wilson, ainsi que la plupart des hommes politiques modernes dont la carrière se développe dans la discussion, admet la contradiction et sait en profiter. Sa physionomie, pleine de lumière et de franchise, dépeint cette qualité de son esprit et de son cœur. Il parle bien, mais il écoute mieux encore. Penché vers un interlocuteur, son corps souple prend une attitude soudaine de bienveillance naturelle et d’attention non forcée ; son visage, sans effacer le sourire, le laisse errer dans l’attente d’un argument qui détermine l’adhésion, et celle-ci se fait spontanément, joyeusement, dans un gracieux mouvement de sympathie et de sociabilité. Si l’objection lui monte aux lèvres, elle se contient, et, quand il faut résumer le débat et conclure, l’esprit impartial et droit de l’honnête homme domine et atténue les divergences, refoule le parti pris et la passion pour arriver à un jugement de modération et d’équité. Le président aime qu’on se donne, mais il sait se donner.

S’il s’est trouvé, parmi les hommes d’Etat européens, un homme qui, sachant bien ce qu’il voulait, fût décidé à s’expliquer clairement et fortement avec le président Wilson, il a trouvé un esprit non fermé mais ouvert, une volonté non butée mais prête à pénétrer dans les voies qui, par le raisonnement, vont à la raison. Et, précisément, par sympathie et par raison, le président était prêt à écouter la voix de la France.


Nous avons une preuve frappante de cette faculté d’assimilation, naturelle au génie impressionnable du président Wilson . c’est la façon dont il a su se ranger aux préférences de l’Angleterre quand il aborda le débat sur ses propres principes avec les hommes d’État britanniques. Comme on le sait, le président