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perpétuelle transformation des êtres s’opère avec ordre, régularité, poids et mesure, j’en conclus que quelqu’un y veille, je ne sais où, je ne sais comment, et je m’écrie : « mon Dieu, que ton nom est doux ! » Et comme je me sens plus fort, plus inspiré, lorsque j’ai proféré ce nom, j’en conclus qu’il répond à une réalité idéale et je me plais à le redire de mon accent le plus vibrant afin que d’autres l’entendant, aient la pensée d’écouter en eux-mêmes si leur cœur ne fait pas effort pour le prononcer !

Je ne me suis pas demandé l’effet que produirait la mort de l’Empereur ; je me suis contenté d’en souffrir. Cela a été pour moi un chagrin intense, car je l’aimais profondément. Je serais certainement allé à ses funérailles, si je n’avais été trop loin : je ne serais pas arrivé à temps. Maintenant qu’il n’est plus retenu par son chef, il est probable que le parti bonapartiste va reprendre ses attaques contre moi et vouloir mo rendre responsable de ses fautes. Cela ne me fera pas sortir de mon silence pour le moment ; et quand le moment de parler sera venu, j’ai entre les mains de quoi confondre toutes les attaques. Je n’ai rien à me reprocher, et j’ai été victime autant que la France. Ma réserve, on le verra plus tard, est une générosité de fidélité au malheur : voilà pourquoi je m’y complais.

Mes études philosophiques portent sur notre histoire contemporaine (89 à 72). Quant à mon discours, j’y ai parfois pensé, je ne l’ai pas écrit. Un mois me suffira : j’attends d’entrevoir prochain le moment de ma réception. Bien entendu, cela dépend de moi, car l’Académie ne m’a fait aucune objection, et c’est moi qui ai demandé le retard. J’espère que ce sera pour l’année prochaine à cette époque.

Je souhaite à Feuillet du succès. Il me semble qu’on a bien abusé du mari, de la femme et de l’amant, et qu’on doit en être saturé. Un jour, je dirai aussi mon mot sur ce sujet, dans mes mémoires auxquels je songe, après mes travaux politiques.

Notre petit Jocelyn grandit et sa mère est toujours le petit voile bleu. Tous les deux, nous sommes vôtres, de tout notre cœur.

Hélas ! je ne puis vous envoyer un rayon de soleil, nous n’en avons pas. J’ai reçu votre bonne lettre du 1er janvier.