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de Rocroy, qui s’apprête à porter son génie et sa gloire française au service de l’Espagne et de l’Empire, — Condé ? Qui sait si, dans la vaste enceinte de quatre lieues de tour, la population des Trois Evêchés et de Lorraine qui va se précipiter, comme en un asile, ne se trouvera pas prisonnière, pour sa perte, tout de même que les Juifs dans Jérusalem condamnée ? La couleur quasi dantesque, un peu bizarre, de ce beau discours s’éclaire par l’angoisse de l’heure.

Et, en effet, tandis que de Paris à Bordeaux, du Languedoc à la Bretagne, d’Angers à la frontière lorraine la révolte des Grands gronde et gagne, on annonce que l’Archiduc espagnol et Condé, réunis, vont « entrer en France avec des forces considérables. » Dans l’été de 1652, Metz peut se croire, des premières, menacée.

Bientôt Condé surgit au Nord-Est. Décrété de lèse-majesté, il médite, en effet, des desseins mystérieux dont la réalisation violente aurait cette région pour théâtre. Il a toujours rêvé de devenir le héros d’on ne sait quelle épopée d’aventures, le fondateur d’un empire créé par lui, pour lui. Profitant de ce que Turenne reste à Paris à garder le petit roi, et de ce que Mazarin se terre en son gouvernement de Sedan, Condé vient se fortifier dans son domaine à lui, à Clermont-en-Argonne, à Stenay, et, tout de suite, élargit ce domaine en s’emparant de Château-Porcien, de Bethel, de Sainte-Menehould, de Bar-le-Duc, de Mouzon, de Commercy, de Saint-Mihiel. Il paraît en humeur et en mesure de se tailler par l’épée un « royaume d’Austrasie[1]. »

Il est vrai que, dès la fin de 1652, une partie de ces villes, prises trop vite, lui échappe. Au milieu de l’année 1653, il cesse de viser Metz qui, du reste, en sa fidélité au roi de France n’a pas bronché.

Mais si elle respire, elle n’est pas pour cela hors d’affaire. Le terrible partisan est encore bien proche. Il a retiré ses troupes en Hainaut, parce qu’il compte, pour les refaire, sur les Espagnols des Pays-Bas, qui rechignent. Or, cette subsistance, c’est pour lui le gros et importun souci ; à cette difficulté de ravitaillement il se heurte avec colère, lui, le général de « mouvements, » que les « quartiers » d’hiver impatientent. Et puis,

  1. Duc d’Aumale, Histoire des Princes de Condé, t. VI, passim. Cf. t. III, 364, Cf. Bourrelly, Le maréchal de Fabert.