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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/637

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son armée grossit trop, d’inutiles renforts, — fuyards de Paris ou de la Fronde bordelaise avortée, aventuriers de partout, épées besogneuses, tous gens indésirables qu’il faut nourrir, en plus de ses vieux soldats.

Alors il emploie le procédé classique : il terrorise. « Il excelle à tout détruire derrière lui, gîtes et ressources. » Dans cette cruauté, que les deux belligérants pratiquent, il a la palme : c’est le Duc d’Aumale, son admirateur impartial, qui le déclare avec tristesse : « les moindres billets de M. le Prince témoignent alors d’un extrême acharnement. » Et quand il a sévi, aux villes grandes et petites, — dont il n’a pas voulu ou pas pu faire le siège, et que ces spectacles de férocité tout voisins instruisent de ce qui les attend si elles résistent, — il réclame impérieusement des vivres ou de l’argent.

Metz reçoit cette double sommation. Condé envoie d’abord ses colonnes volantes rançonner les cultivateurs des alentours, enlever les bestiaux, faire des prisonniers jusqu’aux portes de la ville. Il ne laissera les Messins tranquilles, jusqu’à nouvel ordre et pour l’année, que s’ils lui versent dix mille livres, trente mille francs environ, — un lourd tribut en ces années de détresse.

Les Messins acceptèrent le marché. En tout honneur du reste. Ces « sauvegardes » étaient admises. Les gouverneurs militaires des villes frontières des pays belligérants avaient pour les conclure l’agrément de leurs souverains respectifs. Deux ans après, l’insoupçonnable Fabert, à Sedan, négocia avec Condé un accord semblable.

Mais à la fin de l’été de 1653, les exigences de Condé s’accroissent. C’est mille livres de plus qu’exige Jacques Caillet de Chanlot, son secrétaire des commandements, et il veut aussi de nouveaux modes de paiement plus onéreux. Le Conseil des Trois-Ordres qui administrait Metz s’émut. Fut-ce à ce moment que Bossuet y entra comme délégué du Chapitre de la Cathédrale ? Déjà, en tout cas, les chanoines l’avaient nommé syndic, convaincus apparemment, dès lors, que « l’intrus » de 1642 n’était pas un inutile. Voici qu’elles se révélaient opportunes et précieuses, ces « belles relations » des familles Bretagne et Bossuet qu’on avait sans doute copieusement reprochées au conseiller Bénigne et à son fils. Quand le duc d’Enghien était gouverneur de Bourgogne, la « robe » de Dijon avait eu avec lui