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des rapports pleins de cordialité : présidents, conseillers, avocats, avaient l’honneur de le voir au Palais à l’audience, d’être reçus chez lui, de le recevoir à leur tour. En 1639, il avait soupé chez un Bossuet. Aussi neuf ans après, on le sait, à Paris, le 24 janvier 1648, au soir d’une soutenance de Jacques Bénigne, il avait daigné venir à la Sorbonne, escorté de ses officiers et de valets portant flambeaux, pour assister jusqu’au soir aux premières armes théologiques de son jeune ami dijonnais. Nul ambassadeur, assurément, ne pouvait lui être plus agréable que le nouveau chanoine ; et il y paraît, ce semble, dans la lettre courtoise par laquelle, le 12 octobre 1653, Condé, informé du fait que Bossuet et Bancelin viendraient négocier avec ses agents, promettait de se contenter des dix mille livres de l’année précédente. Ce billet n’a rien des rogues missives dont un contemporain nous dit, à cette date précisément, qu’elles « ressemblaient à des ordres de guerre, » lors même qu’elles s’adressaient à la Sérénissime Altesse de l’Archiduc gouverneur des Pays-Bas espagnols.

Seulement, ce ne fut pas au Prince lui-même que Bossuet eut affaire, au château de Stenay, où deux « tambours, » l’un français, l’autre espagnol, l’ont amené avec son compagnon. Ce fut à Chanlot. Et Chanlot, secrétaire dévoué du maître, non seulement défendait les intérêts du Prince plus opiniâtrement que n’eût fait le Prince lui-même, mais il n’oubliait pas les siens propres. Pour se rendre traitable, « M. Chanlot veut un beau présent. » C’est ce que le jeune chanoine explique aux magistrats de Metz, en termes précis, sans indignation. Il se rend bien compte au surplus que, par écrit, on n’aboutit guère. Il n’hésite pas à en appeler de nouveau à Condé et le voilà qui fait un second voyage à Stenay. En quoi il avait quelque mérite. Dans ce pays « en proie » à toutes les armées, les chemins n’étaient pas sûrs ; plus d’une fois en ce temps-là, des membres du Parlement en mission furent pris ou tués. Trois ans auparavant, en avril 1650, Bossuet l’avait échappé belle lui-même. Retournant de Toul à Paris, pour y achever son doctorat en théologie, il était tombé, entre Ligny et Bar-le-Duc, dans un parti d’Allemands, et ne s’était échappé qu’avec peine[1].

Revenu à Stenay, il finit par obtenir tout : le chiffre désiré

  1. Corresp. t. T, p. 418.