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Et ce spectacle, sans doute, ne répond guère ni à ce qu’on lui avait enseigné aux Ecoles, dans les cours de controverse du collège de Navarre, sur le compte du protestantisme, ni même à ce qu’il a entendu ou vu à Paris. Même en avait-t-il vu, des protestants, à Paris, autrement que dissimules et perdus dans la masse ? Était-il allé jamais à Charenton, ou seulement aux « services » clandestins, qui se tenaient dans les chapelles des ambassadeurs étrangers protestants ? Avait-t-il causé avec d’autres hérétiques que M. de Ruvigny, ou M. de Turenne, ou M. Conrart, ou autres gens du monde, protestants de cour et de société, sans signes visibles, hérétiques réservés, discrets, émoussés, portant dans les compagnies avec une sorte d’embarras, comme un habit démodé, une croyance qui n’est pas celle du Roi ?

Eh ! bien, à Metz, au contraire, il voit « l’hérésie » vivante, il la touche et la mesure. Elle se révèle à lui, et non point telle que ses cours ou ses livres de controverse la lui dépeignaient : erreur expirante, branche dont la rupture a épuisé la sève, monstruosité que la France élimine et qui ne demande que le coup de grâce ; infime « petit troupeau, » dispersé, discrédité ; secte boiteuse n’ayant qu’obstination et qu’impudence, mais point de véritable assurance en soi ni de ressources et de vigueur solide… Il s’en faut de tout. De cette révélation, sa foi n’est pas ébranlée, je le sais bien : car elle est trop fondée en raison. Mais tout de même, l’orgueil naïf de convertisseur qu’il apportait de Paris est déçu. Et comme il a vingt-sept ans, le réflexe immédiat de cette désillusion, ce n’est pas l’acceptation résignée d’une réalité contraire à ses rêves ; c’est une sorte de dépit irrité, c’est la tentation de recourir, contre l’ennemi reconnu plus fort, aux moyens de force. Cette vision déconcertante d’un protestantisme inattendu, dont la forte et brillante réalité messine était pour l’Eglise catholique