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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/647

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tribunal d’enquête, de censure et de conciliation tout à la fois. Les scandales semblent rares. Les fidèles sont généreux, — nous verrons tout à l’heure Bossuet le constater. — « Nul pauvre protestant ne mendiait par la ville, dit le biographe de David Ancillon ; dans les assemblées, point d’habits misérables. » « Lorsque, en 1666, écrit au siècle dernier le pasteur Othon Cuvier, le gouvernement demanda aux Consistoires de combien de deniers ils imposaient leurs adhérents, le Consistoire de Metz put répondre fièrement « qu’il n’imposait rien à personne » et qu’encore qu’il fallût rémunérer quatre pasteurs, entretenir ou rebâtir les temples, subvenir aux besoins des pauvres comme à ceux du culte, des écoles locales et des étudiants envoyés aux Académies, « les offrandes volontaires suffisaient. » Parfois même et sans peine, on faisait aux protestants de la vieille France d’extraordinaires libéralités. « Ainsi, en 1661, deux cents livres étaient votées » par le Consistoire « pour le traitement d’un second professeur de théologie au collège calviniste de Die en Dauphiné. » Et un autre jour, à la suite d’un sermon prêché pour les religionnaires persécutés en France, Ancillon recevait mille ducats avant le soir.

Vraiment, quand les cortèges des baptêmes, mariages et enterrements, défilent, en plein jour, et » en grande compagnie » malgré les ordonnances, mais sans aucun scandale, à travers la ville ; — quand le pasteur Ferry, qui, originaire du pays, est là depuis cinquante ans, et que secondent son petit-fils Couet du Vivier, puis son gendre Bancelin, — quand ce pasteur, « personnage majestueux, » dit un contemporain, au profil ascétique, passe gravement en robe longue, ou en soutane à manches et à rabat, — le vulgaire le distingue-t-il nettement des prélats ou des prêtres catholiques ? Ce « fidèle ministre du saint Evangile, comme il s’intitule, n’égale-t-il pas en prestige les chanoines « les plus accommodés ? » Et « l’Église du Christ » qu’il gouverne avec ses collègues, est-elle moins bien ordonnée que l’autre ? A-t-elle moins que l’autre figure et substance d’Eglise ?

Or, voilà ce que Bossuet trouve à Metz[1].

  1. Sur toutes ces questions d’histoire messine, outre les anciens ouvrages, de l’évêque Meurisse, du protestant Élie Benoît (Histoire de l’Édit de Nantes, t. III), et des Bénédictins (Histoire de Metz), on peut consulter l’importante Histoire du Protestantisme à Metz de Thirion, citée plus haut ; Othon Cuvier, notice sur Paul Ferry, dans les Mémoires de l’Académie de Metz (1868-1869) ; les grands ouvrages d’O. Douen et de Paul de Félice ; John Viénot, Bull, hist. du Protestantisme français, t. LVII (1908 ; ) les publications de R. Allier et les nôtres (spécialement, Revue des Deux Mondes, 1904-1910), sur la Compagnie secrète du Saint Sacrement ; Dietsch, die evangelische Kirche im Metz, 1910. Grâce à l’obligeance de M. le pasteur N. Weiss, j’ai tiré de nombreux renseignements, statistiques et anecdotiques, des manuscrits de Paul Ferry et des copies des Archives départementales de la Moselle, d’Othon Cuvier, conservées à la Bibliothèque protestante de la rue des Saint-Pères.