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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/650

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préoccupe tellement, il a des explosions de sainte colère : « Quelle insensibilité ! quelle dureté ! » Voulez-vous donc « attendre que les ennemis de la foi prennent, » eux, « le soin des misérables ? » — Assurément il appelait de ses vœux du renfort et la secousse salutaire d’une mission. Nul doute qu’en 1657, quand la Cour vint à Metz, il n’ait été de ceux qui sollicitèrent de la Reine-Mère l’envoi d’une de ces expéditions spirituelles que les Dévots multipliaient pour reconquérir la France a un catholicisme effectif.

Ce fut à M. Vincent qu’Anne d’Autriche fit appel[1]. Le choix, à regarder Metz, était excellent. Le saint homme, depuis 1635, avait consacré une large part de son activité au soulagement matériel et moral des provinces ruinées par la guerre. Par un chef-d’œuvre de patiente vaillance et d’ingénieuse obstination, il avait, dans le Nord-Est de la France, réalisé ce miracle : « d’exercer, » comme dit Abelly son biographe, « toutes sortes d’œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle, avec ordre, avec sûreté, parmi la terreur et le désordre des armées. À l’égard de peuples entiers, et durant une longue suite d’années, où la Justice et les Lois n’avaient plus de force, il avait fait régner la Charité. » En 1640, au témoignage des Echevins de Metz, il avait sauvé la ville « envahie en dedans, assiégée au dehors par une armée de quatre ou cinq mille pauvres. » Dans les Trois Evêchés, dans la principauté de Sedan, en Lorraine, son nom était populaire. « Il faut que M. Vincent soit lorrain, disait-on, pour être aux pauvres Lorrains si secourable. » À Metz, une première mission de ses prêtres, en 1644, avait été un triomphe : Jean Bouchez, en son si émouvant journal, décrit la conduite que firent les Messins, au départ, jusque dans les vignes du Sablon, à « ces bons ecclésiastiques qui s’étaient comportés moult gentils au service de Dieu et des hommes, et qui si dévotement endoctrinaient les petits enfants. » On pouvait croire que cette fois encore ses envoyés seraient « accueillis comme des anges. »

Ce ne furent pas en 1658, je Vin dit déjà, des « prêtres de la Mission » proprement dits, mais des « messieurs » de la « Conférence des mardis. » Le jeune Bossuet leur était affilié

  1. Floquet. études, X. 1, p. 426-466, L’abbé Maynard, Saint Vincent de Paul, t. IV, p. 90-108.