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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/665

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matérielles, que, quand il les regarde, il ne voit que les traits gros, voyants, et les saillants reliefs. Ce que son « réalisme » prouve, c’est moins une observation coutumière qu’une accidentelle vision. Avouons qu’il est un de ces hommes pour qui je ne dis pas que le monde extérieur n’existe point, mais qu’il est intermittent, et, surtout, secondaire. Bossuet n’a pour ses phénomènes nulle considération. Dédain très compatible, au surplus, avec l’action, et avec cette acceptation de la vie qui nous a frappés dès sa jeunesse. Oui, il se mêle au monde pour y faire loyalement, sérieusement, cordialement même sa besogne ; mais, site devoir l’intéresse, le décor du devoir le laisse indifférent. Il va voir les obsèques de Richelieu et en conserve, on nous l’a dit, « une impression. » Mais une « impression » spirituelle, une impression de la vanité des grandeurs et des œuvres humaines ; je doute qu’il ait gardé du catafalque une image. Il est en contact avec les condottieri de Condé ou de don Juan d’Autriche : il n’en a point vu la trogne et le costume. Il fait réparer à Metz les digues de Wadrineau : il n’a pas pour les grâces sinueuses de la Moselle les yeux d’Ausone. Praeterit figura hujus mundi : la figure de ce monde passe ; ce qui reste, ce sont les actes de l’homme de bien, et ses pensées sages et pieuses. Il est toujours très utile, croyons-le, pour comprendre Bossuet, de se rappeler qu’il a voulu être un vrai chrétien.


ALFRED RÉBELLIAU.