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des premières mesures prises chez les belligérants ayant été de suspendre le remboursement en or des billets et d’interdire la sortie de métaux précieux de leurs frontières, il en était résulté une immobilisation des pièces et des lingots et leur remplacement par des billets. Mais le chiffre de ceux-ci ne tarda pas à dépasser de beaucoup celui des monnaies immobilisées et à exercer sur les prix une influence considérable.

L’action du papier-monnaie doit être examinée avec un soin particulier, à cause de son importance, que personne ne nie, et de la difficulté qu’il y a à déterminer la part exacte de son influence sur les prix. Elle peut n’être que légère au début de l’inflation et devenir prépondérante lorsque les quantités de papier jetées dans la circulation augmentent et que le public commence à se rendre compte des dangers qu’implique le système. Voyons comment les choses se sont passées dans notre pays. En 1914, à la veille de la guerre, la circulation de la Banque de France était d’environ 6 milliards de billets, couverts par une encaisse des trois quarts et pour le reste par un portefeuille d’effets commerciaux. Les avances à l’Etat se bornaient à 200 millions de francs, somme qui nous paraît aujourd’hui insignifiante, mais qui, à cette époque, semblait le maximum de ce qu’il était judicieux de faire prêter au Trésor par la Banque. A peine les hostilités eurent-elles éclaté, que le ministre des Finances demanda les 3 milliards auxquels une convention secrète lui donnait droit. Depuis lors le chiffre s’est accru, sans interruption. Certains remboursements ont été opérés au moment de l’émission d’emprunts consolidés ; mais la marche ascendante n’a pas tardé à reprendre, et, le 14 novembre 1918, au lendemain de l’armistice, le montant des avances consenties directement par la Banque à l’Etat atteignait 18 500 millions. De plus, la Banque avait escompté pour 3 500 millions de Bons du Trésor français, correspondant à des avances faites par lui à des gouvernements étrangers, au total 22 milliards. Ce chiffre était élevé, mais personne ne le critiquait. Tant que duraient les hostilités, on considérait que la dette flottante pouvait s’accroître. Du jour où elles cessaient, il fallait changer de méthode. Au lieu de cela, on a poursuivi les mêmes errements. A la date du 31 juillet 1910, l’Etat doit à la Banque plus de 27 milliards de francs. En 8 mois, le chiffre a grossi de 5 milliards, tandis qu’au cours de quatre ans et demi