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de guerre, il ne progressait que de 3 milliards et demi par an. Et voici qu’au mois de juillet le Parlement vote une loi qui porte la circulation à 40 milliards !

On conçoit l’inquiétude qu’inspire un pareil gonflement. A mesure que les milliards s’ajoutent aux milliards, la disproportion s’accuse entre la dette de la Banque vis-à-vis du public, représentée par ses billets, et l’ensemble de son actif autre que sa créance sur l’Etat ! En 1914, cette créance ne s’élevait qu’au trentième de la circulation ; aujourd’hui elle en représente les quatre cinquièmes. La situation est radicalement modifiée. Certes, le crédit de l’Etat est le premier de tous ; mais il ne doit pas s’appliquer au régime fiduciaire. Les monnaies métalliques ont leur valeur intrinsèque : la monnaie de papier, pour conserver la sienne, doit être remboursable en métal au gré des porteurs. Aussi longtemps que ceux-ci savent que ce remboursement est assuré, ils accordent leur pleine confiance au billet ; ils la lui maintiennent, en temps de guerre, alors même que le nombre en augmente rapidement, parce qu’ils ont la conviction que, une fois la paix signée, il ne croîtra plus, et que l’un des premiers soucis du ministre des Finances sera de préparer le remboursement de sa dette à la Banque.

C’est ce qui s’était passé en 1871. On a souvent cité, et on ne saurait trop citer, l’histoire des relations d’alors entre le Trésor et la Banque. Dès 1873, l’amortissement commençait, et, en 1878, toute la dette, à 80 millions près, était remboursée. Aussi jamais dans l’intervalle le billet n’avait-il été déprécié. On n’en avait plus créé un seul pour les besoins du Trésor à partir de la signature de la paix. Ce souvenir a certainement contribué à maintenir, au cours de la présente guerre, la foi absolue du public dans la valeur du billet de banque ; mais il ne faut pas qu’il soit déçu dans son attente et qu’il voie la quantité de papier augmenter au lieu de diminuer. Le crédit est la chose la plus délicate du monde. Il suffirait d’un remboursement très lent à la Banque pour que la signature de celle-ci continuât à valoir de l’or. Mais il faut que le remboursement commence. Autrement nous assisterons à des phénomènes inverses de ceux qui ont marqué les années de guerre. A ce moment, la confiance dans le billet était telle que beaucoup de Français les thésaurisaient à l’égal du métal. Nous dûmes mener une campagne pour faire comprendre à