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revient. La différence de quelques centimes par livre se traduit par une charge de plusieurs milliards au budget. C’est là un fardeau écrasant, ignoré de la plupart des Français, dont la grande majorité pourrait s’approvisionner au cours qui résulterait du libre jeu des forces économiques. Le gouvernement a d’ailleurs suivi une politique incohérente. Au début de la guerre, il a taxé le blé à un cours très bas, inférieur au prix de revient. Les paysans ont cessé d’ensemencer. Effrayés de ce résultat, nos ministres, passant d’un extrême à l’autre, ont plus que doublé le prix : afin d’empêcher une diminution de la production, ils ont garanti aux producteurs que leur récolte serait acquise à 75 francs par ce même acheteur, l’Etat, qui, en 1915, n’offrait que 30 ou 33 francs. ,

C’était toujours l’intervention avec ses dangers, ses erreurs, ses brutalités, sa prétention de substituer une volonté capricieuse et changeante à l’effet des causes naturelles et de l’activité individuelle. Nous pourrions multiplier les démonstrations des conséquences désastreuses provoquées par cette ingérence des gouvernants dans le domaine de l’agriculture, de l’industrie et du commerce. Nous l’avons subie sans mot dire pendant la guerre, parce que le patriotisme nous commandait le silence et que toutes les forces vives de la nation devaient rester groupées autour des chefs, fût-ce au prix d’énormes sacrifices financiers. Mais aujourd’hui il est temps de faire nos comptes, et d’évaluer les résultats de cinq ans d’étatisme renforcé, non pour récriminer, mais pour faire cesser au plus tôt cette dilapidation des deniers publics. D’ailleurs, si l’intervention de l’État a été nécessaire en temps de guerre, il est loin d’être démontré qu’elle n’aurait pas pu s’exercer dans des conditions moins onéreuses pour la nation.

Même au Parlement, un certain nombre d’esprits clairvoyants commencent à se rendre compte de la menace que l’étatisme fait courir à nos finances. M. Emmanuel Brousse le proclamait en ces termes à la tribune du Palais Bourbon : « Je n’ai cessé de demander qu’on daignât, dans tous les ministères, profiter de la guerre pour réformer les administrations et supprimer les sinécures et les rouages inutiles. Il y a 5 000 emplois d’instituteurs ou d’institutrices à supprimer. Nous vivons en 1919 avec la même organisation administrative que sous la Constitution de l’an VIII. Est-ce admissible, avec les progrès