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par des remous de foule. N’importe. À l’instant voulu, et sans que les dragons à cheval, lance au poing, aient besoin d’insister, chacun aura repris sa place, et l’avenue, dégagée de toute intrusion, sera complètement libre, pour le retour des vainqueurs.

On les attend avec impatience mais sans fièvre, sans tumulte, avec cette sagesse volontaire que le public, chez nous, sait s’imposer par une discipline consentie. On se dit qu’ils sont là, qu’ils vont venir, et cette fois pour rester parmi nous, ayant fini leur héroïque ouvrage. Mais combien de frères d’armes, hélas ! Ils ont laissés, sur l’immense champ de bataille, au cours de la lutte tragique, et si longue, où les vicissitudes d’une guerre sans précédent ont suscité des vertus sans exemples ! Ceux que la France pleure ne seront pas oubliés. Une vision superbement évocatrice de gloire et de douleur fait planer sur toute la magnificence de cette fête, dans la splendeur de ce matin d’été, leur présence invisible et réelle. C’est à eux d’abord que sont dus les honneurs de cette journée dont leur sacrifice a préparé le lumineux avènement. Aussi la célébration du culte que la France et la civilisation universelle doivent rendre à leur mémoire sacrée va précéder le défilé de leurs compagnons de victoire. Sur le monument votif qui est dédié à leur immortel souvenir, auprès de l’Arc de Triomphe, on lit ces mots, gravés en lettres d’or : Aux morts pour la patrie. C’est par eux que se manifeste, en ce jour de reconnaissance nationale et de solennelles actions de grâces, la vertu miraculeuse du sacrifice. C’est à eux que vont nos plus chères pensées, nos meilleures tendresses, les élans de nos cœurs animés d’une invincible espérance. En l’honneur de nos soldats, tombés au champ de gloire, la garde assemblée autour du monument funéraire présente les armes. On entend la sonnerie des clairons, le roulement des tambours, éveillant sous la voûte triomphale les échos de l’appel qui, au moment du départ, a convoqué le ban et l’arrière -ban des braves. Alors, au nom de la nation, le Président de la République, descendant les degrés de sa tribune, traversant à pied le rond-point de l’Étoile, offre aux bien-aimés que nous voyons avec les yeux de l’âme une gerbe de fleurs épanouies, des couronnes, des palmes, tribut symbolique, où se résume en images consolatrices la fierté de notre douleur. Geste plus éloquent, dans sa muette simplicité, que les paroles humaines. Rite traditionnel, aussi ancien que notre culte des morts et que notre espérance d’immortalité glorieuse, et dont l’accomplissement, à cette heure, en ce lieu, confère, tout de suite, une gravité religieuse à cette fête de la Victoire.