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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/760

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résulter que d’une interprétation loyale et sincère du traité, tel qu’il est conçu et écrit. Loin de moi la pensée de chercher, dans une argumentation captieuse, un moyen quelconque de porter atteinte aux engagements pris, de bonne foi, par les Puissances envers l’Allemagne ; ce qui est écrit est écrit, ce qui est juré est juré. Les Puissances alliées et associées sont d’honnêtes personnes : pas un de leurs citoyens qui ne se considère comme lié par la parole des gouvernements. Et c’est, précisément, parce que nous voulons tous rester fidèles à la foi jurée, qu’il nous convient de rechercher, dans le traité, les interprétations les plus favorables à une pacification durable et, je dirai même, dans un certain sens, les plus favorables à ceux qui, hier encore, étaient nos plus acharnés ennemis.


I. — L’ALLEMAGNE DIMINUÉE

Le danger du traité vient de ce qu’il laisse, au milieu de l’Europe, une Allemagne impérialiste debout. Mais, ce serait fermer les yeux à la lumière de ne pas reconnaître à quel point elle est, malgré tout, diminuée.


Ce que l’Allemagne a perdu. — L’Allemagne bismarckienne est diminuée, avant tout, dans son principe : et cela est plus important même que la perte de l’argent et des territoires. L’Allemagne va s’apercevoir qu’il en coûte de raisonner faux. J’ai parlé avec assez de franchise des principes du président Wilson pour ne pas reconnaître combien leur idéal si noble, — peut-être un peu absolu, — est écrasant pour la conception bismarckienne et pangermaniste de la vie internationale.

Les Puissances ont prouvé que le Droit prime la Force. Elles ont établi, par la puissance des armes, que la Justice a le dernier mot. Grande surprise pour ces professeurs !

Toute la littérature de la kultur est effacée d’un revers de manche. Triste bibliothèque périmée ! Depuis Treitschke et St. Chamberlain jusqu’à Naumann et Scheidemann, ils ne valent plus un denier. Il faut que l’Allemagne change de pensée, et, pendant que cette mue s’accomplira, elle sera, certainement, très affaiblie. C’est une bonne manière de la vaincre, de laisser sa vanité se dégonfler et sa conscience se creuser.

Réduit à ses propres forces, sous son toit ébranlé, l’Allemand