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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/772

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Allemagne, subsistent encore, comme au » temps de Charlemagne, des distinctions très nettes entre les différentes races. Les Wurtembergeois ont conservé jusqu’ici le caractère de l’Alaman et du Suève, et les Bavarois celui du Boyard. On distingue encore les Francs de l’Allemagne centrale à leur vivacité et, parmi les populations de la Westphalie et du Hanovre, les Saxons à leur caractère mesuré et vaillant. Ainsi, ce que l’on convient d’appeler le particularisme a ses racines profondes dans le caractère national allemand et ce n’est pas par des théories qu’on s’en affranchira » [1].

Ces instincts profonds, l’âme sociale les révèle, en Allemagne, comme elle le fait partout et toujours, par la diversité des aspirations religieuses.

Ne croyez pas que la Guerre de Trente ans soit un fait accidentel dans l’histoire de l’Allemagne ; c’est, au contraire, le fait normal : car les divisions, les haines religieuses ne sont rien autre chose que la saillie vers le ciel des grands discords de la race. La religion du Sud veut dominer la religion du Nord, et réciproquement. L’influence de la chapelle luthérienne des rois de Prusse sur la politique prussienne a été cent fois démontrée [2]. Toute tentative d’union des Eglises, tout essai de tolérance mutuelle a échoué. Je ne vois rien de plus probant, à ce point de vue, que la vie entière de Frédéric-Guillaume III, véritable prototype de Guillaume II : l’échec de l’évangélisme et de l’hermésianisme, les persécutions contre les catholiques, la succession des kulturkampf, tout prouve que la vie religieuse commune est impossible. Le centre catholique n’a racheté sa vie, — comme nous le disions d’Erzberger, — qu’en vendant son âme. Aujourd’hui, il redresse la tête, et la crise est rouverte.

Par ses frontières, par ses montagnes, par ses fleuves, par son ciel même, l’Allemagne est divisée. Elle est divisée à l’intérieur et elle ne peut s’unir que sous une autorité de fer qui devient fatalement une menace à l’extérieur.

Pour avoir la paix au dehors et la paix au dedans, il faut que l’Allemagne se désenchaîne de la Prusse. A elle de juger.

  1. Mémoires du prince Clovis de Hohenlohe, t. I, p. 186.
  2. V. R. Lote, Du Christianisme au Germanisme, IIIe partie. Vers le Germanisme, p. 229 et suiv.