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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/771

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seule fois, la Prusse n’a essayé de régler autrement que par la force.

La configuration des mers prussiennes a créé un conflit presque insoluble avec les Puissances maritimes du Nord : l’Angleterre sera toujours, à une époque ou à l’autre, la protectrice du Danemark et des Duchés et, et elle abandonne Heligoland, elle s’en repentira.

La sage et prévoyante organisation de la vieille Allemagne, — de « l’Allemagne avant la Prusse, » — avait pourvu à ce risque fatal en proclamant les grandes places maritimes allemandes « villes libres ». Je regrette infiniment de ne pouvoir donner ici, même en quelques lignes, un raccourci de l’histoire des Villes Hanséatiques : on y verrait à quel point elles furent, pendant des siècles, un puissant organe d’articulation de l’Allemagne à l’Europe. Une Prusse dominatrice de l’Allemagne et des villes hanséatiques ne pouvait avoir d’autre devise que celle de Guillaume II : « Notre Empire est sur les eaux. » Mais Guillaume n’avait pas assez de ressources intellectuelles pour s’apercevoir, qu’en affichant à son pavillon cette fatalité de sa race, il précipitait sa course à l’abime.

Faut-il insister, enfin, sur cette autre disposition, cent fois relevée, à savoir que la ligne de hauteurs formant la crête du toit européen divise l’Allemagne en deux pentes opposées ? Les eaux coulent au Nord et elles coulent au Sud, se dispersant vers des mers qui n’ont entre elles aucune communication et ne créant pas harmonie. Les grands fleuves, le Rhin et le Danube, ne sont allemands que sur une partie de leur cours ; leurs embouchures dépendent de souverainetés étrangères. Si les populations allemandes ne s’arrangent avec les populations voisines, il faut qu’un jour ou l’autre, elles leur cherchent querelle et entreprennent de les dominer.

Sur cet immense territoire, ainsi compartimenté, les caractères des vieilles tribus germaniques n’ont pu s’effacer ni se ramener à un type commun. Je me contenterai de citer, à ce sujet, les paroles très précises du prince Clovis de Hohenlohe, élève de Bismarck, lui aussi chancelier de l’Empire, et, parmi les Allemands de ce temps, l’un des plus avertis et avisés :

« Qu’en France et en Italie, où le caractère national est plus uniforme et moins individualiste, un même régime soit applicable aux rapports sociaux et politiques, cela s’explique. En