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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/827

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mais l’énorme armée était celle de Hatier, 27 divisions lancées contre les 10 de l’armée Gough.

Derrière les positions anglaises, nous savons quels objectifs visaient les assaillants : on espérait en quelques jours déchirer par un maître coup le front britannique, et Hatier, opérant avec les forces considérables que je viens de dire, bousculerait la droite de Gough de telle façon que, la rejetant de Fargniers sur Chauny, puis au delà de la ligne de Noyon-Ham, il la séparerait violemment de la gauche française. Forçant ainsi, sur un front de 90 kilomètres, les lignes de Picardie, élargissant l’attaque au Nord en direction d’Arras et Bapaume, au Sud en direction de Chauny et Noyon, les Allemands espéraient atteindre la ligne Breteuil-Amiens-Doullens, après s’être rendus maîtres des vallées de l’Ancre, de la Somme et de l’Oise. Nous savons qu’au delà de cet objectif déjà lointain, ils comptaient, — ce serait sans doute l’affaire d’une seconde offensive, — atteindre la mer dans la région d’Abbeville ; un flanc défensif rapidement organisé sur les collines de la rive gauche de l’Oise, du Sud de Chauny au Sud de Lassigny, le massif de Boulogne-Orvillers et la région au Sud de Montdidier, empêcherait les Français de troubler cette seconde opération. L’essentiel pour l’heure était de rejeter les Anglais vers le Nord-Ouest, dans le Santerre ; ainsi se creuserait entre les armées alliées un trou où, d’Amiens à Maignelay-Montdidier, l’énorme armée Hutier s’engouffrerait. Puis le rabattement à droite achèverait, Amiens étant enlevé et peut-être Arras, la déconfiture de l’armée britannique.

Nos alliés attendaient l’attaque, ayant créé trois positions successives à des distances considérables l’une de l’autre, mais ils la redoutaient plus au Nord qu’au Sud ; le maréchal Haig écrit qu’il s’attendait à « recevoir la plus puissante attaque ennemie entre la Sensée et la route de Bapaume-Cambrai, » par conséquent sur le front Byng. Le Sud de la ligne, — droite de l’armée Gough, — semblait devoir être couvert par les marais de l’Oise ; on ne l’avait donc que très légèrement gardé. Or, le temps ayant été dans les premières semaines de mars exceptionnellement sec, les terrains marécageux s’étaient rapidement solidifiés : or, 6 divisions allemandes étaient, dans cette région peu défendue, lâchées contre une seule division britannique. Disons d’ailleurs que 64 divisions allemandes allaient