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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/837

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cesse tournés, assaillis par des forces écrasantes et qui essayèrent de faire front, par une valeur magnifique, à la fortune adverse.

Il n’en allait pas moins que c’était une poche de près de 50 kilomètres qui, de repli en repli, s’était, depuis le 21, creusée, où 30 divisions allemandes déchaînées attaquaient furieusement, cherchant partout les trous, les agrandissant, élargissant leurs gains, profitant de tous les défauts et, s’acharnant particulièrement sur les troupes britanniques ; celles-ci semblaient avoir à ce point perdu pied que le maréchal Haig lui-même, songeant à un autre repli, estimait qu’Amiens ne pouvait être sauvé qu’en « concentrant immédiatement à cheval sur la Somme... au moins 30 divisions françaises ; » quant à l’armée britannique, elle continuerait à se retirer « couvrant les ports du Pas-de-Calais. » « Tout délai, dans la décision relative au plan ci-dessus, ajoutait-il, peut rendre la situation critique. »


VIII. — LA CONFÉRENCE DE DOULLENS

Elle était extrêmement critique. La bataille durait depuis sept jours ; plus que la force de la nouvelle tactique allemande, elle faisait éclater aux yeux de tous l’effroyable tort que causait aux armées alliées l’absence de commandement unique. C’était parce que l’armée britannique n’était, le 21 mars, que juxtaposée à l’armée française que, d’un maitre coup, Hutier avait pu s’enfoncer vers Noyon. C’était parce que les ordres étaient alors partis du Grand Quartier de Montreuil, comme du Grand Quartier de Compiègne, que, en dépit de l’accord établi par le téléphone entre Haig et Pétain, la bataille avait trois jours si dangereusement flotté. Il avait fallu des trésors d’énergie et d’ingéniosité pour que, dix fois brisée, la liaison se rétablit entre la droite de Gough et la gauche française ; le 26, elle était encore mal assurée.

La bataille était devenue, du côté des Alliés, une bataille Franco-anglaise. Elle allait continuer. Amiens était menacé, dont Debeney couvrait les approches Sud-Est, Gough les approches Nord-Est. Or Amiens perdu, c’était une terrible aventure. Et Amiens pris, la bataille pouvait continuer encore en direction d’Abbeville ; mais avoir les furieuses attaques contre les collines de l’Oise, avoir se précipiter vers la trouée de Montdidier