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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/846

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en bataille opération de plusieurs jours. » Mais, au fond, c’est le même génie qu’il y faut appliquer : Si vous êtes réduits à la défense, préparez, cependant, l’attaque ; vous êtes les plus faibles, raison de plus ; la manœuvre est l’arme du faible et vous ne pouvez manœuvrer qu’en prenant l’initiative, donc l’offensive. Pour être à tout instant prêt à ressaisir cette initiative, se faire des réserves ; pour ce, même attaqué, même menacé, même déconfit, « économiser les forces » pour la riposte, car c’est « grâce à l’économie des forces qu’il (le chef) peut quand il le veut déclencher l’attaque décisive. » À cette attaque il faut « appliquer la masse, donc la faire et la réserver. » Car « la réserve, c’est la massue… soigneusement entretenue pour exécuter le seul acte de la bataille dont on attend un résultat, l’attaque décisive ; c’est la réserve ménagée avec la plus absolue parcimonie pour que l’outil soit aussi fort, le coup aussi violent que possible. »

La difficulté est que l’on ne peut « manœuvrer a priori contre un ennemi libre de ses mouvements. » Donc « commencer par le saisir. » Cette condition préalable réalisée, on a l’occasion de placer une Manœuvre à coup sûr, à effet certain. « Donc, conclut-il ailleurs, vigueur, rapidité, violence, exclusion de tout temps d’arrêt prolongé et pour cela poussée rapide de troupes par derrière pour entraîner celles en avant. » Car « pour décider l’ennemi à battre en retraite, il faut l’achever en marchant sur lui ; pour conquérir la position, pour prendre sa place, il faut y aller. »

On a déjà sans doute vu des théoriciens exposer excellemment les principes de l’art qu’ils ont étudié ; on a vu aussi des praticiens exécuter, sans principes affichés, un chef-d’œuvre. Mais qu’il ait été donné à un maître de l’art de démontrer à la face du monde le bien fondé de ses principes, d’appliquer en un cas concret, — unique dans le fastes, — les formules enseignées dans la chaire de l’École et de remporter, par la simple mis en action de sa théorie, la plus grande victoire de l’histoire, voilà qui a de quoi passionner les témoins du duel.

Et nous allons voir que ce cas singulier et magnifique est celui de Foch. Quand il prend, le 26 mars 1918, les rênes — jusque-là un peu flottantes et éparses — du commandement, c’est d’une main singulièrement préparée ; si elle ne tremble pas, c’est qu’une intelligence grave s’appuie sur des principes