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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/885

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QUAND J’ÉTAIS FORÇAT
EN ALLEMAGNE

Le 13 septembre 1916, je fus condamné, par le Conseil de guerre allemand siégeant à Gand, à douze années de travaux forces, comme coupable de Kriegsverrat (trahison pendant l’état de guerre). Mon crime consistait, en réalité, à avoir rédigé des publications patriotiques, notamment les brochures : L’Allemagne acculée et Pourquoi nous vaincrons, et un petit journal clandestin : L’Antiprussien. Le 6 octobre, je partis pour l’Allemagne. Après quelques jours passés a Aix-la-Chapelle, je fus interné au bagne de Werden ; plus tard, on m’expédia à celui de Cassel. Les pages qui suivent se rapportent à mon séjour dans ces deux prisons.


AU BAGNE DE WERDEN

Mon impression, en franchissant le seuil du bagne de Werden, le soir du 12 octobre 1916, fut plutôt bonne. Werden est une ancienne abbaye bénédictine. Une magnifique façade Louis XIV rappelle sa splendeur déchue. Un hall d’entrée vaste, bien chauffé, d’aspect familial, ayant conservé quelque chose de la physionomie monastique d’autrefois, prédispose favorablement le nouvel arrivant. Comme hôtes nouveaux, nous sommes quatre Belges, le Père dominicain Nuyens, l’imprimeur De Scheemaecker, tous deux condamnés en même temps que moi, un ouvrier limbourgeois du nom de Van Assche et moi-même ; il y a en plus deux Allemands, forçats de droit commun.

Des gardiens en uniforme nous accueillent avec une bienveillance relative. L’un d’eux, un petit vieux à barbe blanche,