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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/886

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me dit que nous ne serons pas ici-bien longtemps : « trois semaines au plus, » affirme-t-il d’un Ion de protection. Un autre nous apporte une terrine de soupe fumante et nous invite à nous restaurer. Mais ce ne sont là que des préliminaires, et ce qui suit est moins alléchant. La porte du hall s’ouvre ; un surveillant nous invite à le suivre. Nous nous engageons à sa suite dans un large couloir, mais pour le quitter aussitôt et enfiler un étroit boyau, sorte de fissure s’ouvrant entre deux murailles. Une de celles-ci est percée de portes basses. Ce sont nos cellules. On nous enferme à double tour, et nous voilà plongés dans une obscurité presque complète. Il s’agit maintenant d’organiser notre chambrée pour la nuit. Par terre sont étendues de minces galettes et de mauvaises couvertures. Nous nous en accommodons comme nous pouvons. Quant à dormir il n’en est pas question.


Le lendemain, lever à six heures, au signal de la cloche. Il fait encore tout noir. Notre porte s’entrebâille. Toilette sommaire. Ablutions plus sommaires encore ; une cruche d’eau et un seau d’une propreté que je ne pourrais même pas qualifier de douteuse, c’est tout le mobilier de notre chambre.

On nous apporte une tranche de pain aigre et un bol d’une soupe mal odorante. J’avale quelques bouchées de pain. Nous tâchons de mettre un peu d’ordre dans notre taudis, tout cela à tâtons et en nous bousculant les uns les autres.

Voici le jour. Si notre cellule n’est pas belle, au moins sa laideur est-elle pittoresque. Des murs qui n’ont plus de couleur, maculés de traînées brunes ou noirâtres. Une toute petite fenêtre perdue dans la hauteur, garnie de barreaux, taillée dans l’épaisseur d’une maçonnerie à défier les siècles. La cellule a la largeur d’un lit ; elle est deux fois plus longue qu’elle n’est large. Même au grand jour, il y règne une demi-obscurité.

Huit heures. Une clef grince dans la serrure. « Heraus ! » nous crie une voix. Et nous voilà de nouveau défilant dans les corridors. On nous conduit dans une petite salle basse, encombrée de vêtements, de chaussures. Un fonctionnaire est là, à l’air grave et gourmé : c’est le Hausvater, un membre important du personnel, à ce qu’il paraît. Belle tête régulière, grande barbe noire aux ondulations soyeuses, nez droit, teint