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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/930

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simplement la reconnaissance de la suzeraineté de la Prusse et du titre impérial, dont l’attribution alternerait d’ailleurs à l’avenir entre les maisons de Hohenzollern et de Wittelsbach ; mais elle aurait gardé un gouvernement entièrement séparé, de sorte que cette conception aboutissait en somme à celle d’un Empire dualiste. Sur ces bases toute entente était impossible avec Bismarck. Par un curieux choc en retour, cette attitude intransigeante entraîna la défection du Wurtemberg, où un parti de cour, inspiré par la reine Olga, protestait contre la politique de concessions précédemment suivie et adressait même une discrète demande d’assistance à la Russie.

La situation parut quelques jours assez tendue pour amener une rupture. D’une part, Bray, après une longue conversation où Bismarck avait vainement tenté de le rendre plus accommodant, annonçait son intention de retourner <à Munich sans avoir rien conclu. D’autre part, le Kronprinz, irrité de ces résistances inattendues au projet d’Empire, ne parlait de rien moins que de mettre les dissidents à la raison par la force (16 novembre). — Tout s’arrangea pourtant au moment même où tout semblait compromis. Non seulement Bray contremanda son départ, mais il se relâcha peu à peu de ses exigences et, de concessions en concessions, fut amené à signer (23 novembre) le contrat d’union de son pays avec la Confédération du Nord : la Bavière y entrait, comme le proposait Bismarck, au même titre que les autres états, mais avec des avantages fiscaux militaires et diplomatiques qui lui assuraient une situation privilégiée par rapport à eux. Entraînés par cet exemple et intimidés par les menaces du Chancelier, les Wurtembergeois s’exécutèrent deux jours après (25) à des conditions analogues.

Ce revirement inattendu a été trop soudain dans ses effets pour ne pas être resté un peu mystérieux dans ses causes. Comment les diplomates du Sud ont-ils été conduits, dès la fin de novembre, à souscrire à des clauses qu’ils déclaraient inacceptables au début du mois ? Il y a là une énigme propre à exercer la sagacité des historiens allemands. L’un d’eux, M. de Ruville, a hasardé pour la résoudre une hypothèse que les restitutions à exiger de l’Allemagne vaincue permettront sans doute de transformer maintenant en certitude [1]. Au moment même où les

  1. Von Ruville, Bayern und die Wiederaufrichtung des deutschen Reiehs (Berlin, 1909 ; trad. française de M. P. Albia.) Les conclusions de l’auteur ont été combattues par Küntzel dans Bismarck und Bayern in der Zeit der Reichsgründung (Francfort 1910).