Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/935

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un télégramme rassurant de Werder, reçu dans la matinée.

Pas plus que les événements, la nature ne semblait favoriser la cérémonie projetée. D’après le programme primitif, le Kromprinz devait venir prendre son père à la Préfecture, d’où un somptueux cortège de cavalerie se dirigerait vers le Château, encadré par le décor de l’Avenue de Paris. Le mauvais temps fit renoncer à cette pompeuse mise en scène. Ce fut dans son modeste équipage de campagne, précédé de quelques gendarmes, que le Roi traversa vers midi la Place d’Armes, déparée à ce moment par l’accumulation de fourgons et même de troupeaux d’approvisionnement. Reçu au haut de l’Escalier des Princes par son fils et par le groupe des Altesses, il pénétra avec sa suite dans la Galerie des Glaces, où l’attendait un imposant appareil militaire. 5 à 600 officiers, représentant tous les corps de l’armée d’investissement de Paris, étaient rangés le long de la paroi opposée au Parc. En face, entre deux fenêtres, se dressait un autel de campagne drapé de rouge, encadré de détachements de porte-drapeaux. Sur l’un des petits côtés, on avait élevé une estrade à trois marches, provisoirement inoccupée. Quelques fracs de diplomates ou de parlementaires tranchaient seuls sur l’éclat varié des uniformes.

Le Roi et les princes se rangèrent en demi-cercle autour de l’autel pour assister d’abord à un service divin. L’exécution de cantiques par les chorales régimentaires précéda une courte allocution du pasteur Rogge, prédicateur de la cour et aumônier divisionnaire. C’était ce même orateur qui, quelques jours avant, avait mis son auditoire en garde contre une compassion déplacée envers les victimes civiles du bombardement de Paris. Il se contenta cette fois de paraphraser d’après les circonstances le psaume 21, inscrit à la liturgie du jour, et de jeter en passant un anathème rétrospectif à l’ambition de Louis XIV. Cette évocation ne parut pas suffire à éveiller l’intérêt d’une assemblée qui attendait avec impatience un autre spectacle.

Après un dernier choral d’actions de grâces, le moment décisif était arrivé. Guillaume se dirigea vers le fond de la Galerie, monta sur l’estrade, où le suivirent les drapeaux, groupa les princes autour de lui, et d’une voix forte leur exprima brièvement, avec ses remerciements pour l’offre qu’ils lui avaient adressée, sa résolution d’y accéder en acceptant la dignité impériale. Puis il passa la parole à son Chancelier pour