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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/123

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de ces démocrates, c’est toujours la gauche qui gouvernera.

La situation économique de l’Allemagne, poursuit mon interlocuteur, est épouvantable. Loin de l’aider à en sortir, les Anglais, les Américains et les Français ne lui vendent que des produits fabriqués et des objets de luxe, sur lesquels les Allemands et les Allemandes se jettent comme des enfants. C’est là, avec l’insécurité présente, l’explication de la baisse continue de notre change qui empêche le relèvement industriel et empire de jour en jour la détresse du peuple allemand. Qu’on ne le condamne pas à périr ! Qu’on lui livre les matières premières qu’il réclame pour vivre et pour travailler !

C’est sur ces mots que se clôt notre entretien. J’en emporte l’impression d’un réel et sombre pessimisme, quoique le dessein de tout bon Germain soit d’apitoyer ses ennemis d’hier par la description des misères qui accablent son pays aujourd’hui.


IV

Les Puissances alliées ont envoyé à Berlin après l’armistice des missions qui continueront longtemps encore de surveiller l’exécution du traité de paix. Il y a d’excellents observateurs parmi les membres de ces missions. D’aucuns connaissaient l’Allemagne d’avant la guerre et le monde officiel de l’Empire aussi bien, sinon mieux, que des diplomates de profession. Je me suis permis de questionner l’un de ces messieurs, qui étudie avec autant de sagacité que de vigilance la situation politique et économique, ainsi que l’état des esprits.

Il me fait l’éloge d’Erzberger. Lui seul, après sa conversion, a osé parler le langage de la vérité et de la raison. Ce qu’il a écrit sur la Belgique est une réfutation péremptoire des calomnies ressassées par le gouvernement impérial contre cette héroïque victime qu’il s’attachait à déshonorer, n’ayant pu triompher de sa résistance morale. Erzberger a réalisé pour faire voter le traité de paix le cartel du centre et des socialistes. Ses adversaires cherchent à le démolir en attaquant ses projets financiers, chose toujours facile, quand on ameute des contribuables. Remarquez qu’Erzberger, devenu l’allié des social-démocrates, a dû adopter leurs idées ; son programme d’impôts a donc une forte couleur socialiste. On peut le résumer en