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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/124

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quelques mots : l’Allemagne a besoin d’argent, elle n’a pas besoin de millionnaires. Frappons le capital pour nous procurer les ressources indispensables à la libération et au rétablissement matériel du pays.

L’union du Centre et des socialistes majoritaires durera-t-elle ? On en peut douter en présence des intrigues qui se nouent autour du pouvoir.

Scheidemann cherche à saper la popularité de Noske qui l’inquiète et lui porte ombrage ; celui-ci est enguirlandé par les conservateurs, parce qu’ils voient en lui un ambitieux et un énergique, capable de se prêter à l’exécution de leurs desseins. Les libéraux démocrates, pour rentrer dans le gouvernement, ont exigé qu’on leur livrât l’administration intérieure, sous prétexte qu’ils disposent seuls du personnel administratif compétent. En somme, on vit en pleine incertitude du lendemain, on se meut dans le provisoire. L’intérêt des Alliés serait de soutenir Eizberger, qui leur a donné des gages de sa loyauté et n’a pas hésité à se compromettre en endossant la responsabilité de la paix.

J’interroge mon obligeant informateur sur le spectre du spartakisme, dont tout le monde ici parait effrayé. A son avis, le spartakisme a perdu beaucoup de terrain, comme on l’a vu par les récentes élections de Brunswick qui était un centre de communisme ; les partis bourgeois viennent d’y ressaisir la majorité. Toutefois, un coup de force, une tentative désespérée des révolutionnaires, ne sont pas improbables ; mais ils n’ont aucune chance de réussir, même en ayant pour auxiliaires le froid et la famine.

Les yeux de tous les Allemands, qu’ils soient socialistes indépendants ou majoritaires, réactionnaires, centristes ou libéraux, sont tournés vers la Russie. Pour tous, c’est l’alliée future, la planche de salut ; pour beaucoup, l’instrument de la revanche. Les socialistes indépendants comptent sur le bolchévisme et sont persuadés qu’il s’affermira en cessant d’être violent et anarchique : moyennant quoi, il s’imposera comme un gouvernement régulier. Les autres Allemands espèrent trouver en Russie le champ économique qui remplacera leurs colonies perdues et les débouchés qu’on leur a enlevés. Ils y trouveraient aussi un réservoir d’hommes où puiser des forces pour une guerre future. C’est dans ce double dessein qu’ils essayent