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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/145

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avec mélancolie sur l’essai qui était fait d’un enseignement secondaire « établi sur la seule base du français. » Car il n’estimait pas, à cette date, que l’enseignement des langues vivantes donné par d’autres maîtresses, et sans liaison avec celui du français, pût jouer un rôle analogue à celui du latin dans la traditionnelle éducation classique. Et beaucoup partageaient la mélancolie de M. Marion. Telle déposition, qui était plutôt une confidence, dans laquelle une de nos plus brillantes agrégées faisait le délicat hommage de tous les dons de son esprit à une éducation latine, que la ferveur classique d’un tuteur lui imposa, répandit un jour un sentiment de semblable ferveur sur tous les membres de la commission. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit aujourd’hui. On ne fait pas sa place au latin pour lui-même, mais pour le baccalauréat. C’est du latin utilitaire, proteste un proviseur, et il ajoute : « Est-il donc tombé si bas ? » Et alors on en fait le moins possible, juste ce qu’exige une version le plus souvent facile, et c’est ce qu’on a appelé le « latin court. » Du coup, toutes les raisons d’être de l’éducation latine, qu’on nous dispensera d’énumérer, s’évanouissent. Aucun profit, si ce n’est un parchemin.

On a eu honte du « latin court, » et les projets officiels tout au moins l’allongeaient. Ils n’allaient pas jusqu’à ce que j’appellerai le latin complet ; et je ne sache pas que personne ait poussé l’esprit de système jusque-là. Mais alors, qui ne pressent que les parents refuseront bientôt d’obliger leurs fils à faire plus d’heures de latin que leurs filles pour un résultat matériel identique ? Le « latin court » tuera le latin long, c’est-à-dire les études latines. On aurait pu espérer que les jeunes filles hériteraient d’une culture que l’éducation de plus en plus utilitaire des garçons réduit pour eux à la portion congrue. Il n’eût pas fallu passer par la voie du « latin court, » qui est une menace même pour l’éducation des garçons, et qui serait la première de ces réformes à double effet que tout à l’heure on nous promettait. Tiennent-ils beaucoup à ce latin d’ailleurs, ceux (car ce sont les mêmes personnes) qui, après avoir immolé le diplôme devant le baccalauréat, n’admettent pas qu’une licenciée puisse être comparée à une certifiée qui, elle, n’a pas fait de latin ? Pourquoi des questions de doctrine prennent-elles parfois l’air de questions de boutique ?

De ce nombre fut, en particulier, la question des équivalences