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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/144

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et collèges des deux sexes de la France entière, sans parler des colonies et des étrangers qu’attire notre culture, n’est-ce pas pousser un peu loin le goût de l’unité et le fétichisme de ce programme ? Quand surgit une raison quelconque de le modifier pour les garçons, — et cela s’est produit assez souvent au siècle dernier, et tout porte à croire que cela se produira plus souvent encore, tellement le problème de l’enseignement secondaire masculin apparaît complexe et mouvant, — il faudra que les jeunes filles suivent le mouvement, et réciproquement. On a osé avouer que ce mouvement devrait commencer dès demain. Aussitôt filles et garçons soumis au même régime, comme il est jugé mauvais, on le réformera. Mais on aura la satisfaction d’avoir doublé la difficulté pour la mieux résoudre.

Il faut se demander en outre si le baccalauréat rapportera aux jeunes filles tout ce qu’elles en attendent. Ce sont des considérations utilitaires qui poussent vers lui les jeunes filles. Or les dépositions faites devant la commission extra-parlementaire sont, à ce sujet, un peu décourageantes. Les représentants de la médecine et du droit ne leur ont pas tendu les bras, tant s’en faut, et quoique d’avance elles s’y jettent. Ils leur ont crié plutôt : casse-cou. Et bien d’autres ont discrètement suggéré aux vocations féminines d’autres carrières, dans le commerce, l’agriculture, l’industrie, l’administration, pour lesquelles le baccalauréat n’est pas requis. Si bien que récemment, dans la Nouvelle Revue, un professeur en venait à se demander si on ne s’était pas engagé dans une mauvaise voie, si le diplôme et le brevet supérieur, dont on se contentait il y a dix ou douze ans, ne valaient pas mieux en somme, le diplôme surtout, pourvu qu’on obtienne enfin pour lui, moyennant quelques retouches, l’équivalence avec le brevet supérieur. N’est-il pas étrange en effet qu’à des jeunes filles demandant à gagner leur vie l’Université n’ait trouvé à offrir que du latin ?

La question du latin dans l’enseignement des jeunes filles est liée à celle du baccalauréat ; car le baccalauréat sans latin n’est pas celui que les jeunes filles recherchent. Ces deux questions pourtant n’ont pas toujours été liées. Aux premières heures de l’enseignement secondaire des jeunes filles, où il n’était pas question de baccalauréat, on s’est demandé si le latin n’était pas la caractéristique même de tout enseignement secondaire ; et un des porte-parole de la pédagogie d’alors. M. Marion, s’exprimait