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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/161

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les différents aspects des choses et les différentes activités humaines, elle maintient ou détruit un équilibre et incline les esprits.

Non seulement il y a un programme féminin obligatoire ; mais, dans la partie de l’éducation qui semble être commune aux deux sexes, des différences doivent subsister. On a pu regretter que certains vocables comme ceux même de lycée et d’agrégation, aient accusé, entre l’enseignement des garçons et celui des jeunes filles, une ressemblance qui n’était pas tout à fait dans les intentions des fondateurs, ni dans la réalité du début, et, comme il arrive souvent, que les mots aient gouverné et orienté l’institution dans son développement. On a pu regretter aussi que les mêmes personnes aient été appelées à inspecter, et par suite a régenter les professeurs des deux sexes, et qu’ainsi une pédagogie plus proprement féminine n’ait pas eu l’occasion de se constituer. Sans cette sollicitation exercée par les mots, et cette imprécision de doctrine, la question du baccalauréat ne se fût même pas posée. Une confusion plus complète des programmes eût abouti à une conséquence devant laquelle le ministère de l’Instruction publique a reculé, quand il s’est aperçu que, de concessions en concessions, il allait y être entraîné : l’enseignement mixte. Car, si deux établissements enseignant exactement la même chose peuvent coexister dans une grande ville, on pense bien que les petites voudront faire l’économie de l’un des deux. Déjà on voyait éclore des projets en ce sens. Dans ces derniers temps, en effet, s’étaient multipliées les autorisations données à des jeunes filles de suivre les classes préparatoires au baccalauréat dans les lycées de garçons. En trois ou quatre ans, le flot monta avec une telle rapidité qu’on dut lui opposer la digue d’un veto absolu.

Nous sommes défendus contre l’excès contraire, celui de programmes exclusivement féminins, par ce qu’il y a de plus fort chez nous, la peur du ridicule. On a imaginé des programmes de ce genre et, tout récemment, une femme, qui est docteur ès lettres, nous parlait sans sourire de « bachelières en horlogerie, » et de « licenciées en dentelles. » Même dans le domaine de l’éducation intellectuelle, on a imaginé une histoire, par exemple, rappelons-le, qui serait surtout celle du rôle historique des femmes. Si quelques notes plus féminines peuvent être