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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/163

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l’homme, ce qui est d’un féminisme trop facile, et que le vrai féminisme consiste à chercher, à éveiller, à développer tous ses dons, et à la préparer à tous ses devoirs, ceux de toujours, et ceux de demain, s’il en naît de nouveaux pour elle.

Ce n’est pas seulement l’expérience, mais la tradition qui conditionne l’éducation. C’est pourquoi l’exemple de l’étranger, chez qui l’on rencontre en effet l’éducation identique et même la coéducation (l’une mène à l’autre,) outre qu’il pourrait aussi bien être invoqué dans un autre sens, ne nous en impose pas. Nous avons la bonne et la mauvaise fortune d’être un vieux pays ; il y a un type de jeune fille française, dont nous ne pouvons vouloir que nos filles s’affranchissent tout à fait. Elles doivent se reconnaître dans notre littérature classique ; elles doivent se reconnaître dans Henriette, tout en ayant fait quelques progrès sur elle. Et, sur la question du latin en particulier, les femmes chez nous ont cette tradition, qui date de nos plus grandes dames, et de nos meilleurs écrivains féminins : elles n’en font pas toutes, mais, quand elles en font, elles en font assez pour qu’il leur serve à quelque chose. Le moment serait mal choisi peut-être de rompre avec nous-mêmes, quand nous éprouvons cette douce surprise de constater que l’étranger, dont on nous oppose l’exemple, nous aime comme nous sommes, et entoure, comme d’une piété, les traditions dont nous aurions eu peut-être l’imprudence de nous détacher.

Il est une de ces traditions surtout qu’il faut protéger contre des réformes qui risqueraient de lui porter atteinte : c’est celle du foyer français. Les assises de ce foyer sont solides sans doute, et elles ne seront pas ébranlées par le premier contre-coup. Il s’ingéniera à rester lui-même dans une société qui évolue économiquement et politiquement. Il serait imprudent toutefois d’abuser de cette solidité, et de pécher par excès de confiance. Il n’est pas d’institution qui résiste à des secousses répétées et à une lente désagrégation. Là donc est la pierre de touche de toute réforme : le foyer français aura-t-il à en souffrir ? Au-dessus même des nécessités économiques il y a les nécessités morales.

Loin de nous la pensée de tirer de là une leçon d’immobilité. Une société n’est pas chose immuable, ni partant l’éducation qui lui convient. Le problème est de déterminer le sens et la mesure du changement opportun ; le problème est de