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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/166

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deux discours d’apparat, dans l’oraison funèbre du Père Bourgoing, supérieur général de la congrégation de l’Oratoire, et dans celle du syndic de Sorbonne, Nicolas Cornet, — le dénonciateur des « Cinq propositions hétérodoxes » de l’Augustinus, — Bossuet venait d’affirmer et de définir son sentiment.

Or, sans doute, dans le premier de ces discours, le prédicateur n’avait pas donné aux Augustiniens l’impression qu’il les favorisât, ni qu’il pût jamais être des leurs. Même il n’avait pas dissimulé que leur défense théologique lui semblait une vaine « chicane [1]. » Toutefois dans le discours de l’année suivante, en un passage où l’attention donnée par lui au fond était visible par la forme, il s’était étudié à tenir, entre les deux partis, au point de vue de la morale, une balance scrupuleusement exacte, distribuant aux uns et aux autres, par trois fois, des blâmes équivalents. Les partisans de Jansénius, au moins les plus sages et les moins exigeants, ne pouvaient pas ne pas savoir gré au jeune prédicateur qui, sans souci, quoi qu’en dise le chanoine janséniste Hermant, de son « avancement » mondain, osait les mettre au niveau de leurs ennemis, et reconnaître avec impartialité plus que leurs bonnes intentions : leurs utiles services.

Ajoutons enfin que vraisemblablement l’abbé Bossuet avait des amis plutôt bien venus des disciples de Saint-Cyran. Il avait dû, tout jeune, connaître par l’abbé de Chandenier, le célèbre évêque Pavillon, lequel, ami d’Arnauld, donnait depuis 1661 des gages de plus en plus courageux au parti, allait devenir bientôt « la boussole » des militants, et, tout en estimant pour lors qu’on pouvait en sûreté de conscience signer le Formulaire, non seulement se refusait à le signer lui-même, mais, en 1664, interdisait aux prêtres de son diocèse de le signer. Bossuet avait pu renouer avec lui, étant à Metz, par son frère le poète Etienne Pavillon qui y était fonctionnaire ; il l’avait probablement retrouvé à Paris chez les Le Tellier. L’archidiacre de Metz compte aussi parmi les familiers de la duchesse de Schomberg, cette dévote courageuse qui « honorait » les filles de Port-Royal, qui osait à la Cour, devant la Reine Mère, leur rendre hommage. Il est déjà sans doute l’ami de Mme de Sablé, une des futures négociatrices bénévoles de la

  1. Voyez Godefroy Hermant, Mémoires, édit. Gazier, t. V, p. 609-610.