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En attendant, ces personnes-là, — ces personnes injustement, faussement condamnées, ces victimes de l’erreur et de l’iniquité, — ont pour se soutenir un support suffisant et indéfectible : le témoignage de « leur propre conscience. » — Et les voilà qui, par avance, parlent textuellement le langage de Jean-Jacques, glorifient « l’instinct divin, » la « voix intime et décisive. » — Ce témoignage, elles l’éprouvent dans une réalité impérieuse, indiscutable. Que ce soit à la vérité seule qu’en tout ceci « nous nous attachons, » notre conscience nous en donne « une forte assurance. »

Au surplus, ce témoignage, est-ce une intuition mystérieuse que seuls leurs yeux possèdent ? Une voix qui ne soit perçue que de leurs seules oreilles ? Nullement. Ces illuminées sont des rationalistes. Ce qu’elles appellent leur « conscience, » c’est l’évidence que leur science chrétienne et leur raison chrétienne leur procure méthodiquement. C’est, déclarent-elles, leur « jugement droit et équitable » fondé sur les « raisons très solides » d’une « délibération très sincère » et, — quoiqu’elles ne le disent pas, mais elles le sous-entendent, — très éclairée. Si elles confrontent l’obligation de la « signature » avec la Loi de Dieu, la signature leur apparaît comme le « violement » de tous les préceptes de cette loi. Oui, « la condamnation de M. d’Ypres (Jansénius) s’étend aux défenseurs de son livre ; » elle jette donc une accusation d’hérésie sur des personnes dont elles connaissent pertinemment l’innocence. Elles ne disent donc plus à présent qu’elles sont de pauvres filles ignorantes. Elles disent fièrement qu’elles « ont examiné, » qu’elles « savent, » qu’elles ont le droit d’avoir une conviction pour avoir « considéré l’affaire quatre ans avec liberté d’esprit. » Pour résister, ce n’est plus de leur ignorance, c’est de leur information qu’elles arguent.

Dès lors, qu’on ne vienne plus parler d’obéissance aveugle à ces clairvoyantes. Là aussi, leur « conscience » les renseigne, et leur apprend que la désobéissance apparente n’est parfois qu’une soumission mieux interprétée, meilleure et plus haute. Comme le leur disent en ce moment même M. Arnauld et M. Nicole, « l’obéissance est l’hameçon dont on se sert pour prendre les âmes qui ont de la piété ; » et cela, elles le comprennent encore mieux que MM. Arnauld et Nicole. Elles osent écrire ceci : « Bien loin de nous reprocher que nous