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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/181

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ne rendons pas aux ministres de l’Église l’obéissance qui leur est due, » notre conscience nous persuade, au contraire, « que nous ne nous sommes jamais montrées plus assujetties » qu’aujourd’hui, puisque « la plus grande marque de respect et d’amour que l’on puisse donner à un père, c’est de souffrir sans altération ses plus mauvais traitements. »

Et elles sont résignées à tout souffrir. A souffrir physiquement, s’il le faut, et il le faudra peut-être, car, déjà, en leur propre maison, elles sont, depuis le 3 juillet, en état de siège, et chez elles, comme chez les Huguenots de Normandie, une « garnison » tient les portes, occupe les cours et les jardins, les resserre et les séquestre « comme des criminelles. » Mais à souffrir aussi dans leur âme et leur vie spirituelle. Car l’excommunication a été prononcée contre elles par l’archevêque : une sœur a failli mourir sans les sacrements. Mais elle n’eût point faibli. Contre les défaillances possibles de la chair elles prennent leurs précautions et y donnent une publicité solennelle. « Nous voulons déclarer à toute l’Eglise que nous désavouons, infirmons et annulons dès à présent toute signature du Formulaire qu’on pourrait extorquer de nous ou que nous pourrions donner nous-mêmes, forcées par l’ennui de la souffrance, l’accablement de la maladie ou la crainte de la mort, quand même nous déclarerions que ce ne serait point par ces motifs... »

Elles comptent bien, du reste, ne pas faiblir. Que risquent-elles de plus grave, de plus terrible que la continuation de cette interdiction des sacrements, dont, depuis un an déjà, elles gémissent, — la mort sans eux, — l’exclusion de la sépulture ecclésiastique ?... Mais quoi ! « Nous l’avons éprouvé : il n’y a point de protection si forte que celle que Jésus-Christ donne. Dans la longue privation de toute assistance humaine, nous avons dû nous accoutumer à nous rendre les disciples de Dieu même... » Leur sera-t-il si malaisé de se suffire ainsi jusqu’au dernier soupir ? Non certes, et de cette mort solitaire d’excommuniées, maudites selon le monde et même selon l’Eglise, mais bien heureuses selon l’invisible Juge, elles voient d’un œil sans larmes, elles tracent d’une plume ferme le spectacle imaginé : « Si nous sommes si heureuses que de nous appuyer d’une ferme foi sur le Bien-Aimé de notre âme, » c’est lui qui viendra, « dans l’amertume de la mort, faire nos délices. » C’est « le