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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/183

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son zèle, pour dissiper ses doutes, — s’il en eut jamais, — il regardait l’Eglise. Il en admirait, il en chérissait de plus en plus l’unité, la permanence, l’autorité ; il se souvenait tout le temps des « Promesses ; » il se disait que, pour servir ce passé ou ces avenirs magnifiques, nul sacrifice n’était trop grand, pas même celui de scrupules honorables ou de convictions opposées.

Elles, elles prenaient un autre chemin. Elles voyaient au-dessus de l’Eglise, quelque chose d’autre : la Vérité. Et pour lui être fidèles, elles n’hésitaient pas à tenir pour non existant ce qui existait mal, à se résigner à un schisme de fait. Après vingt ans de luttes subtiles ou passionnées, après cinq ans de surexcitation mystique, en elles se réalisaient, avec l’emportement féminin, tous les rêves, tous les griefs, toutes les velléités qui n’avaient arraché à Jansénius, à Saint-Cyran, à Pascal, que des allusions acres, des ironies indirectes, des cris étouffés de mystérieuse colère. On peut dire que, vraiment, cette année-là vit le paroxysme de l’insurrection janséniste.

Nul doute, pour le dire dès maintenant, que ce contact, pris par Bossuet en 1664-1665, non plus seulement avec la doctrine janséniste, mais avec l’âme qu’elle créait dans ses adhérents, n’ait planté pour jamais en l’esprit de Bossuet la borne que son adhésion ne dépassera jamais... Il travaillait au moment de sa mort à un livre sur l’autorité des jugements ecclésiastiques qu’il n’acheva pas. Ce livre nous l’eût montré, assurément, revenant à la fin de son existence, après des courbes et même des écarts, à cette doctrine de l’obéissance de l’individu chrétien, se pliant, sans restrictions ni marchandages, quel que soit le prestige des contingences séduisantes et des apparentes bonnes causes, aux lois les plus dures, pour le bien collectif et permanent de la Cité de Dieu ; — revenant à la doctrine de la Lettre aux religieuses de Port Royal.


A. RÉBELLIAU