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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/188

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devenue française. Nous pouvons compter sur elle pour alimenter notre consommation intérieure et, espérons-le, pour fournir plus tard une importante exportation. Il y a donc là une situation toute nouvelle qui nous intéresse tous comme un enrichissement de notre pays, mais qui touche particulièrement les agriculteurs français, auxquels la potasse, réservée depuis cinq ans pour les usages militaires, a tellement fait défaut. C’est cet état nouveau que nous allons examiner, en faisant remarquer d’abord que la désannexion de l’Alsace n’est pas le seul fait récent de nature à ébranler l’édifice industriel, toujours si puissant, de Stassfurt. Il n’existe plus de monopole attribué à un pays ; non seulement parce que les gisements utilisés avant et pendant la guerre vont continuer à produire, mais aussi parce que l’Espagne, où les sondages viennent d’être achevés avec des résultats favorables, va entrer en lice.

Pour un avenir plus éloigné, il est, en outre, bien vraisemblable que, parmi les innombrables masses de sel gemme reconnues dans le monde, souvent sur plusieurs centaines de mètres d’épaisseur, plus d’une contient des sels potassiques restés inaperçus. Le champ est donc ouvert à une concurrence qui, par une exception bien rare, pourrait amener, pour la potasse, une baisse de prix momentanée lorsque les énormes besoins actuels seront comblés et les projets d’installation exécutés.

Décrivons, en quelques mots, ces gisements alsaciens et montrons quelle va être leur situation industrielle. Nous allons, pour cela, commencer par évoquer les temps lointains où ils se sont constitués. Ce retour en arrière n’exige à peu près aucun appel aux termes techniques et il va nous instruire sur un épisode émouvant, décisif, de l’histoire géologique dans un pays que nous aspirons, de toutes façons, à mieux connaître.

Comment s’est déposée dans le sol la potasse d’Alsace et, d’une manière plus générale, comment se sont formés tous les gisements de potasse ? Il faut concevoir que, comme la soude, cet autre principe alcalin représente, dans les terrains où on le rencontre, l’indice d’une ancienne mer, d’une lagune évaporée. Là où l’on observe aujourd’hui en profondeur des sels de potasse ou de soude, on peut dire qu’à l’époque où leur dépôt s’est constitué, une portion de mer s’est trouvée isolée par les mouvements du sol, emprisonnée dans un continent comme un chott saharien et soumise à une évaporation intense sous un climat désertique.