Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette évaporation a donné beaucoup plus souvent des dépôts de soude (sous la forme de sel gemme) que de la potasse : les sels de potasse étant toujours incorporés dans une épaisse masse de sel sodique, tandis que la plupart des gisements sodiques ne contiennent pas de potasse. Et, cependant, l’un et l’autre élément chimique ont commencé par être empruntés au lessivage des mêmes roches par les mêmes eaux courantes : des roches, dans lesquelles la potasse est en proportions très analogues à celles de la soude. L’inégale répartition de leurs dépôts tient à ce que les sels de soude ont été en plus forte quantité se perdre dans la mer, où on retrouve, en effet, quatre fois plus de sodium que de potassium. Et c’est aussi parce que l’évaporation de cette mer, où la soude domine, commence par donner des dépôts de sels sodiques, de sels gemmes, tandis que, pour arriver à la précipitation de la potasse, il faut des conditions très rarement réalisées.

Deux fois surtout dans l’histoire du continent européen, de telles évaporations de mers ont pris une intensité toute particulière : à la fin des temps primaires et au début des temps secondaires ; dans les deux cas, en relation avec de vastes dislocations de l’écorce qui amenaient une instabilité particulière du sol, avant et après les grandes surrections de chaînes montagneuses. À la première période ancienne appartiennent, notamment, les potasses de Stassfurt, les sels de Lorraine et ceux que les sondages recoupent un peu partout, parfois sur plusieurs centaines de mètres d’épaisseur, dans le sous-sol allemand ; à la seconde, les potasses de Mulhouse, de Cardona (en Catalogne) et de Galicie, avec les immenses masses de sel gemme qui donnent lieu à de si pittoresques exploitations en Transylvanie et en Roumanie. C’est là une différence d’âge qui sépare aussitôt grandement les deux gisements de Mulhouse et de Stassfurt. Nous allons voir qu’en outre leur constitution chimique n’est pas la même.

Si nous nous reportons au moment où la potasse alsacienne s’est accumulée, dans le début de cette période tertiaire que l’on appelle « l’oligocène, » nous devons imaginer un état de l’Europe bien différent de celui auquel nous sommes accoutumés. Les Pyrénées viennent, il est vrai, de surgir ; mais les Alpes n’existent pas encore et, à leur place, un long bras de mer suit à peu près la courbe extérieure de la chaîne actuelle.