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et à ne pas favoriser le consommateur étranger, sans aller jusqu’à rehausser les prix une fois acceptés par lui, mais sans admettre non plus de les diminuer. Cet état de choses est sur le point de changer et, dans ce domaine particulier, la paix amènera la guerre…, jusqu’au jour où un traité provisoire divisera peut-être le monde en deux zones de vente, comme cela tend à se produire pour le pétrole. Une lutte ne pourra manquer de s’engager entre Mulhouse et Stassfurt (en attendant Cardona), pour s’assurer les marchés neutres ou alliés : la consommation de sa propre nation étant naturellement réservée à chacun des deux producteurs. Comme cette lutte va être en fait conduite par les deux gouvernements français et allemand, appelés à jouer le rôle, si violemment décrié, des grands trusts régulateurs et accapareurs, il sera curieux et instructif, pour le simple spectateur désintéressé, d’en suivre les péripéties, d’en apprécier la stratégie et d’en marquer les coups.

Après ce que j’ai dit précédemment, à propos du fer, sur les conditions erronées dans lesquelles on évalue un minerai en terre, après les réflexions que je viens d’ajouter sur les transformations auxquelles est exposé pour l’avenir le commerce de la potasse, est-il nécessaire d’estimer en argent les gisements de potasse alsaciens ? Je crois bon cependant de rectifier des chiffres très fantaisistes qui ont été mis en circulation et qui ont quelquefois servi de base à des programmes de nationalisation singuliers. Les deux milliards de tonnes de sels bruts que peut renfermer le bassin de Mulhouse valaient, en moyenne, avant la guerre, 30 francs la tonne, et donnaient 15 francs par tonne de bénéfice net. C’est l’un ou l’autre de ces derniers chiffres que l’on a adopté pour calculer, par une multiplication élémentaire, une valeur de 60, ou du moins de 30 milliards. Mais, sous le régime allemand, avec une extraction réduite à 80 000 tonnes de potasse, le bénéfice annuel pouvait être estimé seulement à 5 ou 6 millions de francs, susceptible de rémunérer à peine une centaine de millions. L’extraction, nous l’avons vu, sera beaucoup augmentée ; néanmoins, pour bien des raisons, le bénéfice par tonne sera moindre (en supposant même des industries privées) : effet direct et indirect des charges fiscales ; prix de la main d’œuvre accru ; fluctuations possibles pour le prix de vente. Une valeur réelle de 2 milliards paraît un maximum. Dans ces conditions, il serait imprudent de surfaire