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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/205

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la laine, ajoutant à la production française environ 2200 000 pièces, pour lesquelles la situation sera analogue à celle que nous avons indiquée pour le coton.


Arrivés au terme de cette étude, nous voyons donc que l’Alsace-Lorraine nous apporte, dans le domaine purement matériel, comme dans le domaine moral et intellectuel, des ressources très précieuses. Mais nous ne saurions trop répéter ce que nous n’avons cessé de dire dans chaque cas particulier : mines, aciéries, filatures, tissages n’auront leur valeur réelle que si nous ne les plaçons pas devant une disette de charbon. Indépendamment de nos propres mines si ravagées, le charbon ne peut guère nous venir, en quantités suffisantes, que de l’Allemagne, ou de ce qui était hier l’Allemagne ; car les mineurs anglais renoncent à produire et les mineurs américains sont très loin. C’est une considération qui aurait pu intervenir plus efficacement dans le traité de paix. Du moins cette famine de houille devra-t-elle rester toujours présente à l’esprit de nos hommes politiques et de nos négociateurs, aussi bien lorsqu’il s’agira de recouvrer effectivement une partie de la dette contractée envers nous par l’Allemagne, que lorsqu’on aura à envisager une législation nouvelle susceptible d’influencer notre production nationale de charbon. Il est regrettable de constater que la première mesure prise, au moment où l’effort le plus énergique nous serait indispensable pour compenser nos ruines, ait été la réduction de la productivité humaine par la diminution imposée des heures de travail. Si les Français ne comprennent pas mieux la nécessité urgente de produire et d’économiser, notre pays aura beau regorger de minerai de fer, posséder des filatures et des tissages, il n’aura là entre les mains qu’une richesse stérile, comme un homme qui mourrait de faim sur un tas d’or, faute de l’énergie nécessaire pour soulever un peu de son métal et aller l’échanger contre du pain à la ville voisine.


L. DE LAUNAY.