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tournait mal, avec les plus dignes intentions. Demandez à un savant, à un philosophe, à un réformateur de conter vite et pour votre simple amusement : il a d’autres idées en tête et ne va point en faire grâce à votre enfantillage. « Si Peau d’Ane m’était conté... » Pour votre plaisir extrême, ne vous adressez point à lui.

Adressez-vous à des conteurs qui ne méprisent ni la réalité ni les idées, — certes ! ou bien nous les mépriserions, ces conteurs, — mais qui ne sont ni des réalistes ni des penseurs, au sens le moins gai de ces deux mots accablants. Il me semble que vous aimerez particulièrement M. Frédéric Boutet, l’auteur de Victor et ses amis, de Celles qui les attendent et de Douze aventures sentimentales ; M. Henri Duvernois, l’auteur de quatorze volumes imparfaits et d’une sorte de chef-d’œuvre, Edgar ; et M. André Maurois, de qui l’on ne connaît que deux volumes et qui est un véritable écrivain.

Cette énumération, qui a l’air un peu d’un palmarès, n’en est pas un. Mais il y a beaucoup de confusion dans la jeune littérature, comme ailleurs, en ce moment. Il est prématuré d’y chercher et de croire qu’on y découvrira les tendances bien nettes qui seraient le résultat de la guerre, de la commotion que la guerre a produite et de l’expérience qu’elle a instituée. On peut être sûr ou, du moins, il n’est pas déraisonnable de prévoir — et cela revient au même — que cinq années d’épreuve et la victoire modifieront notre littérature : ces changements ne se font pas du jour au lendemain. Sous l’Empire, le poète principal fut Millevoye. Est-ce à dire que l’immense révolution, puis l’épopée impériale n’ont eu aucune influence sur la poésie française ? Non ! et il y eut le romantisme, mais plus tard. Dans la confusion présente, on ne saurait avec prudence noter que l’apparition de quelques talents épars : et nous verrons ce qu’ils deviennent, le chemin qu’ils prennent et, s’ils se réunissent un jour, comment se fait leur réunion. Parmi les livres nouveaux, ceux que voici ont différents mérites, l’attrait le plus divers et cette analogie seulement du récit le plus agréable.

Un soldat, qui descend de la gare Montparnasse, regarde une boutique peinte en vert, pleine de pots de fleurs et de fleurs dans des vases. Il y a du soleil ; la boutique est « un coin de printemps prématuré et charmant. » Est-ce qu’il a envie d’acheter un bouquet, le soldat ? La fleuriste le lui demande. Non ; il est horticulteur de son métier ; donc, il aime les fleurs, voilà tout. Cependant, il ajoute : « Est-ce que c’est vous qui êtes Mme Francine Maret ? » Oui ; mais pourquoi ? C’est qu’il avait un camarade qui s’appelait Maret. « Ah ! »