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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/292

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moins hasardeux, dont le succès à Pétrograde s’expliquait principalement par l’incapacité absolue du gouvernement de Kerensky et par sa politique malhonnête, égoïste et médiocre à l’égard du commandement des armées du front (Affaire Kornilof).

Le coup d’Etat de Pétrograde ébranla le pays entier. Les « 25 octobre » se multiplièrent dans toutes les villes, grandes et petites, de la Russie. Tous ces coups d’Etat bolchévistes locaux s’expliquaient par le nombre des soldats, dispersés un peu partout, et dont l’état d’esprit était le même que celui de la garnison de Pétrograde. En automne 1917, lors de la campagne électorale, j’ai eu l’occasion de parcourir les petites villes de district de gouvernement, où je me présentais comme candidat à l’Assemblée Constituante, et je me rappelle vivement le grand souci, toujours le même, de toutes les organisations locales du parti auquel j’appartenais : c’était le vote des garnisons complètement étrangères au pays : ce vote, partout, deux mois avant le coup d’Etat bolchéviste, était acquis aux bolcheviks et à leur programme de « désertion en masse. » Aucun autre parti politique n’avait de prise sur cet élément et tout espoir de se faire écouter par lui était vain.

Une certaine partie des ouvriers des villes prit part au pronunciamiento militaire des bolcheviks : on trouve dans toutes les villes du monde un élément toujours prêt à se jeter dans une révolution, quelle qu’elle soit. Mais les ouvriers ne jouèrent qu’un rôle secondaire dans la préparation et l’exécution du coup d’État du 25 octobre.

Les autres éléments du pays restaient neutres ou franchement hostiles : les classes cultivées haïssaient le bolchévisme, les paysans le connaissaient très peu et les armées du front n’étaient pas encore définitivement contaminées.

Un coup d’Etat n’est pas encore une révolution. Si le pronunciamiento bolchéviste y a finalement abouti, c’est que Lénine arrivait au pouvoir avec la ferme volonté d’appliquer immédiatement les deux points essentiels de son programme : appel aux forces latentes de sédition de la masse paysanne et transformation de la guerre internationale en une guerre de classes.

Quand, au lendemain du coup d’Etat, les journaux publièrent les deux premiers « décrets » de Lénine : le « décret sur