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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/309

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en dehors de la machine gouvernementale, pousse les gens à chercher une place quelconque dans l’administration, afin de gagner un peu d’argent. On trouve facilement un ami ou un parent qui est déjà au service du gouvernement, et celui-ci démontre à son chef qu’il est absolument indispensable d’augmenter le personnel. Comme les bolcheviks n’ont rien qui ressemble à un budget régulier, on arrive à se faire accorder un crédit supplémentaire. Il est vrai que quelquefois, après des mois d’existence de ce bureau démesurément enflé, on s’avise qu’il dépense trop, et alors il est supprimé. Mais entre temps, un autre bureau est né, et alors tous les fonctionnaires congédiés y refluent pour trouver ainsi un nouveau moyen de toucher la solde gouvernementale.

Le même phénomène se produit dans toutes les institutions de la » Commune, » usines, cinémas, théâtres, journaux, etc., etc. Cette armée d’employés, constituant toute la population des villes, doit être nourrie. Il lui faut au moins un peu de pain, puisque les vivres fournis par la « spéculation » coûtent très cher et ne sont pas à la portée de la majorité.

Et puis il y a l’armée rouge. J’expliquerai plus loin comment les bolcheviks ont réussi à organiser une armée. Il suffit de noter, pour le moment, que la condition essentielle de l’existence d’une armée rouge est son droit à être nourrie mieux que la population civile ; sans quoi elle se dissiperait immédiatement. Il faut, à tout prix, disposer de vivres.

Le gouvernement bolchéviste n’achète pas le pain et les vivres. Ce serait contraire au premier article de son symbole économique, à savoir que la production du blé et son commerce sont monopolisés par l’État. Une partie de la récolte est donc, en principe, obligatoirement réquisitionnée par le gouvernement, et toute production soumise au contrôle gouvernemental.

Même dans un pays bien organisé, l’exercice de ce contrôle serait une tâche très délicate ; mais dans l’état d’anarchie où se trouve la Russie, avec un mécanisme administratif dirigé par ce type de bolchevik au petit pied que j’ai tâché de décrire, les campagnes sont, en fait, à la merci du premier venu qui se présente avec un mandat de réquisition. Naturellement, le paysan fait tout au monde pour cacher sa récolte : aussi l’État est-il obligé à recourir à de véritables expéditions militaires