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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/353

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une armée vaincue. Contre l’attente de ses adversaires, il osa décréter qu’avant quelques semaines, le rempart serait ou réduit ou forcé. Et, pour plus de sûreté, il décréta qu’on tenterait tout à la fois, et de le réduire, et de le forcer. Tandis qu’il serait attaqué de front par les armées anglo-françaises sur sa partie la plus formidable, il serait menacé par deux attaques de flanc : l’une au Nord, menée par un groupe d’armées Franco-anglo-belges, l’autre au Sud exécutée par l’aile droite des armées françaises et la nouvelle armée américaine.

L’assaut général commença le 26 septembre. Contre les. prévisions admises, le mur fut brisé à son centre avant même que les ailes eussent pu l’envelopper. La cuirasse était rompue qui couvrait le gladiateur jusque-là resté debout contre tous les assauts et qui, sous le coup, fléchit des jarrets.

Il sentit sa défaite. Non seulement sa position « imprenable » avait été prise et, avec elle, 40 000 nouveaux prisonniers et plus de 500 canons, mais les voies de rocade par où il parvenait jusque-là à multiplier ses forces en les déplaçant étaient ou ‘ perdues ou menacées. Ses réserves s’épuisaient ; son matériel était délabré ; il ne songeait plus qu’à sauver ce qu’il en restait. Il pouvait encore, en s’accrochant à sa seconde ligne de positions, Hermann et Hunding stellung, permettre aux armées et aux canons de s’écouler lentement vers le Rhin.

Le grand chef allié ne le permit pas. Sachant ses troupes fatiguées, mais confiant en leur surhumaine énergie, il décida de briser le second mur avant que celui-ci eût joué son rôle de couverture. Bien plus, poussant toutes les armées à l’assaut, il étendait son action de telle façon que l’enveloppement se fit plus large et plus menaçant encore. Tandis que l’ennemi serait rejeté dans le difficile massif ardennais par neuf armées alliées, trois autres, repartant des champs de Flandre, après avoir reconquis la Belgique, se rabattraient sur le flanc droit allemand et trois autres encore, attaquant entre la Meuse et la Sarre, menaceraient, par un énorme mouvement tournant, la ligne de retraite des armées impériales sur le Rhin.

L’Allemagne fut étreinte par la peur. Elle courait au pire désastre, à un Sedan centuplé, puisque six cent mille Allemands étaient en péril. Du jour où elle avait été rejetée de son mur Hindenburg, l’État-major avait décrété la partie perdue.