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Cherchant avant tout à tirer de cette effroyable mésaventure ce qui pouvait en être sauvé, c’est lui qui adjurait le gouvernement d’Empire de solliciter et d’obtenir à tout prix l’armistice.

Les circonstances donnaient à une telle démarche le caractère d’un aveu formel de défaite. Le grand chef allié entendit bien que l’armistice fût une capitulation. Il pressa le mouvement qui peu à peu enserrait le vaincu et le réduisait aux abois. L’étreinte était si menaçante, les pertes si irréparables, les moyens de manœuvre si faibles pour le vaincu que, sans essayer de sauver l’honneur, l’Allemagne capitula.

La bataille qui, quatre mois, avait paru menacer d’un mortel péril les troupes de l’Entente, se terminait pour elles, après quatre nouveaux mois, par une incomparable victoire et l’effondrement de leur ennemi.


La victoire, nous la devions à la vertu française, à la valeur de très grands chefs, à la vaillance d’une armée sans pareille, à la résolution et à l’ardeur de nos Alliés, à l’établissement d’un commandement unique, au choix de l’homme qui en fut investi, et, disons-le, à certaines fautes de nos adversaires.

La France avait été pendant les quatre années de guerre au premier rang de la Coalition : seule, elle avait arrêté l’invasion aux champs de la Marne en septembre 1914 ; presque seule, elle avait, en 1915, tenté, par de fougueuses offensives, de rejeter l’Allemand, seule, elle avait, en 1916, brisé à Verdun la seconde ruée allemande ; et si en 1916, en 1917, elle avait vu ses alliés britanniques faire leur partie en de nouveaux assauts, elle avait, comme toujours, payé sa part au delà de ses engagements et presque de ses capacités. Elle eût été, en 1918, excusable de ne jouer dans la défense de son sol que le rôle qui lui était assigné en un secteur déjà si démesurément large.

Et cependant c’était elle qui, à la première nouvelle que ses alliés britanniques, en dépit de leur vaillance, étaient culbutés, s’était à deux reprises jetée à leur secours. Deux fois, en Picardie et en Flandre, on avait vu, quand tout semblait perdu, paraître sur les champs de bataille les casques bleus de France, — et la bataille s’était rétablie. Sans doute arriva-t-il qu’à son