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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/356

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Et je me rappelais ce mot d’un poème du XIIIe siècle : « Les bons souffreurs vainquent tout. »

La guerre avait fait à la France une armée sans pareille. Elle avait dans son creuset pendant quatre ans fondu les éléments de la Nation : elle en avait fait ce qui aujourd’hui éclipse le volontaire de la Révolution et le grognard de l’Empereur, le poilu de la République. Il gardait en son âme deux orgueils parmi tant de douleurs : on avait arrêté « le Boche » sur la Marne, on l’avait arrêté à Verdun. Et le fait est que la valeur des soldats de 1918 se fortifiait des souvenirs « du temps du père Joffre. » Les jeunes classes avaient trouvé ces glorieux ainés pour leur apprendre comment" on avait le Boche. » Joffre avait laissé comme un legs immortel à l’armée française les motifs d’une imperturbable confiance : la Marne, Verdun et, quand Verdun étonnait déjà le monde par sa résistance, la Somme victorieuse.

Quand, en 1917, une bataille, qui, sans être l’échec qu’on a dit, l’avait déçu en de trop belles espérances, le soldat français sentit son âme s’enténébrer, un autre grand chef était venu dont j’ai, au début de cette étude, caractérisé en quelques mots la féconde action. Pétain, ai-je écrit, « avait entendu que le raffermissement de la discipline fût assuré par le rassérènement des âmes. » Lorsque, nous retournant vers les origines de cette bataille de huit mois, nous nous posons la question : « Comment a-t-elle été gagnée ? » nous sommes ramenés à ce fait. Jamais le soldat français n’avait été si beau. Et si sa mentalité, faite de discipline consentie, fut, avec son infatigable vaillance, un des éléments primordiaux de la victoire, il faut bien en reporter une partie du mérite au chef dont l’âme frémissante se cache avec une sorte de pudeur sous des dehors si froids. Lorsque Foch recevait le commandement des armées alliées, Pétain lui tendait un instrument d’acier à la fois souple et résistant qui, jadis fondu au feu de vingt batailles, sortait retrempé encore des mains d’un grand forgeur d’âmes.


Cette armée dont j’eusse tant voulu, — échappant au cadre où je devais m’enfermer présentement, — dire par le menu les exploits héroïques, cette armée si vaillante, si ardente, si volontairement soumise à la discipline, si étonnante de patience