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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/361

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Champagne, ces divisions américaines prendre leur place en de sanglants combats et lorsque la contre-offensive se déclenchait, plus de trente divisions y prenaient part. Au 11 novembre, 1 338 000 combattants américains étaient en France. Mais déjà l’acharnement qu’ils avaient mis à lutter dans les champs de Meuse et les monts d’Argonne avaient creusé en leurs rangs des trous profonds qui, à défaut des rapports des chefs, seraient là pour prouver de quelle ardeur ils s’étaient jetés à la lutte et, partant, de quel poids pesa, dans la victoire, cette ardente intervention.


De tels concours venant, matériellement et moralement, étayer la valeur française et combler les vides creusés depuis quatre ans dans nos rangs, eussent-ils été suffisants pour assurer à l’Entente la victoire qui sortit des derniers combats, il serait téméraire de l’affirmer. Ni la vertu des soldats de France, ni la froide résolution des soldats de la Grande Bretagne, ni l’ardeur combative des soldats de l’Amérique, ni le concours actif apporté en quelques points par les soldats d’Italie, ni l’appui que vinrent nous donner, à une heure de la bataille, les soldats du roi Albert, n’eussent obtenu la victoire si, au cours de la grande bataille, nous fussions restés dans la situation où elle nous avait trouvés. Les forces de l’Entente étaient et pouvaient devenir grandes ; mais, si elles ne formaient pas faisceau, elles étaient inopérantes. J’ai dit, en une page de cette étude, que si l’attaque allemande nous trouvait inférieurs en bien des points, il n’était pas d’infériorité plus périlleuse que celle qui résultait de l’absence d’un commandement unique. La France le réclamait depuis un an ; l’infortune qui, pour les nations comme pour les individus est souvent un bienfait, l’imposa. De grands chefs combattaient côte à côte ; parce qu’ils n’étaient que côte à côte, leurs talents de stratège, loin de servir, parfois se contrariaient. A une heure de crise, sous le coup de grandes émotions, l’unité de commandement se fit.

Par elle-même, elle était féconde en résultats ; elle le fut d’autant plus que l’homme se rencontra qui, plus qu’aucun autre, se sentait, avec la force d’assumer le fardeau, et cette « avidité des responsabilités » qu’il avait lui-même signalée comme la qualité maîtresse des grands caractères, le génie