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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/370

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et l’abandonna en se sauvant par une rue détournée. »

Guidal n’avait point sans doute tenu tout ce raisonnement. Ayant, dès sa première promenade, goûté à diverses boissons qui l’avaient mis de belle humeur, il avait voulu les appuyer d’un déjeuner solide, et là se bornaient sans doute ses observations, mais les remarques de Réal n’en étaient pas moins justifiées. On eut beau rechercher les anciens conspirateurs de 1808, ils étaient exilés, dispersés ou emprisonnés, nul n’avait paru : et la femme Lemare, qu’on arrêta, ne put donner aucune lumière. Les investigations les plus minutieuses ne menèrent à rien. On arrêta à Paris quatorze hommes et cinq femmes, tous gens obscurs, commissionnaires ou gardiens, fournisseurs des acteurs principaux. Un seul passa en jugement par la suite : Caamano. Rien n’eût été plus aisé que de faire le procès de Mme Malet, qui certainement avait connu les préparatifs de la conspiration. On ne le fit pas. Cela n’eût mené à rien, et eût prolongé une émotion qu’il eût été plus adroit sans doute de calmer par le silence.

De même n’avait-on pu trouver les éléments d’une rébellion militaire ; comme la dixième cohorte, dont le commandement avait aussitôt été enlevé à Soulier, pour être transporté au major Querelles, la Garde de Paris n’avait montré qu’un profond abattement lorsque son colonel et plusieurs de ses officiers avaient été arrêtés, mais aucun symptôme n’avait paru d’un mouvement dans la troupe. La Garde, comme la Cohorte, avait obéi à ses supérieurs légitimes, et ce n’était point de sa subordination qu’on pouvait lui faire un crime.

Vainement avait-on recherché ce qu’avaient fait dans la journée du 23 les officiers généraux réformés ou disgraciés, qui pouvaient se trouver à Paris : on n’avait rien trouvé et c’est vraiment qu’il n’y avait rien. Mais pour des raisons compréhensibles, on voulait trouver quelque chose. D’abord, il y avait eu le choc en retour, la peur rétrospective, et puis il y avait la suprême question : que dirait l’Empereur ? Comme la reine Hortense l’écrivait le 13 novembre au prince Eugène : « Vous devez connaître à présent notre aventure de Paris. Tout le monde est bien inquiet de savoir comment l’Empereur la prendra. Tout en riant de la police, on s’intéresse à elle, et l’on croit que l’Empereur ne sacrifiera pas des gens qui lui sont dévoués. Je ne te parle pas des calembours, car ce qui jette le ridicule sur