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les gens, est toujours nuisible, et ils sont bien tourmentés. »

La distance de Paris où se trouvait l’armée, ne pouvait que rendre singulièrement difficile l’appréciation d’événements qui, à la première inspection, paraissaient incroyables, à moins d’une organisation puissante et de complicités étendues. Mais ceci n’était-il pas aussi dangereux à dire que la vérité même ?

La découverte d’une conspiration ayant des affiliations profondes dans les départements, montrant qu’après douze années, — huit au moins —, les trames des jacobins et les complots des royalistes avaient toujours la même activité, quel échec pour l’administration départementale, policière, militaire, qui avait constamment, depuis 1804, affirmé, non sans raison, que la France jouissait partout de la paix impériale ? Et d’autre part, comment dire qu’un homme sans nom, sans relations, sans argent, avait à lui seul, armé seulement d’une fausse nouvelle, failli renverser l’Empire ? N’était-ce pas déconcertant et un peu ridicule ? Le mieux eût été à coup sûr d’étouffer l’affaire comme on avait déjà fait en nombre de cas analogues et de défendre qu’on en parlât, ou qu’on en écrivit. Mais le retentissement n’avait-il pas été tel déjà qu’on fût dans l’impossibilité de l’arrêter ?

On prit donc le parti inverse, on monta au Capitole, on se chargea soi-même d’ébruiter l’attentat à Paris et dans les départements sous une forme qui se rapprochât de la vérité, mais dont on ne pouvait contester la maladresse. Le duc de Rovigo rédigea de sa main un avis qui dut être imprimé à douze ou quinze mille exemplaires, pour être répandu dans Paris, déposé aux diligences, remis aux voyageurs ; il dut être reproduit dans les journaux, et réimprimé dans tous les départements. Il était ainsi conçu :


MINISTÈRE DE LA POLICE GÉNÉRALE

Trois ex-généraux, Mallet (sic), Lahorie, et Guidal, ont trompé quelques gardes nationales, ils les ont dirigés contre le ministre de la Police générale, le Préfet de police [1] et le Commandant de la Place de Paris. Ils ont exercé des violences contre eux ; ils répandaient faussement [2] le bruit de la mort de l’Empereur.

  1. En surcharge de la main de Pasquier, sur l’original.
  2. En surcharge.