Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Ce serait, dit-il, se faire d’étranges idées des devoirs de citoyen d’un colonel, non seulement lorsqu’il ne s’est pas opposé, mais même lorsqu’il n’a pas versé son sang pour s’opposer à la rébellion de son corps. » Il n’admet point les excuses que Savary a justement trouvées à la police civile à raison des défectuosités de la police militaire : « C’est mal connaître vos attributions, lui dit-il : tout ce qui est relatif à la tranquillité de l’Etat et à sa sûreté, est du ressort de la police. La police militaire aurait dû être instruite sans doute, du mouvement qui s’opérait dans les casernes depuis cinq heures du matin, mais le ministre de la Police aurait dû le savoir encore mieux, avoir les yeux sur Malet et ne pas le laisser à Paris. La police devait connaître l’esprit des troupes, et surtout l’esprit d’un régiment comme celui de Paris. »

De même qu’à l’époque de la Machine infernale, il donne en plein sur la fausse piste des Jacobins : ce sont Jacquemont, « une trentaine d’individus civils qui, tous, figuraient dans la première affaire. » Il ne voit pas, ne voulait pas voir que si Malet a des complices, c’est du côté où il semble interdit de chercher. ;

S’il a eu le 7 novembre la première nouvelle de l’attentat, s’il a reçu le 11 de plus amples détails, l’Empereur ne savait rien encore du procès ; il n’avait alors que des dépêches de Savary du 27 octobre, et le procès commença le 27. Toutes les exclamations qu’on lui a prêtées au sujet de l’exécution des condamnés, ont donc été imaginées par des annalistes dont la véridicité est au moins douteuse. A coup sûr, l’idée qui se présenta la première à son esprit fut de regagner la France au plus tôt, mais les routes étaient fermées, — les estafettes ne passaient point, elles attendaient une éclaircie pour se risquer. Ainsi à Smolensk, le 11, quatre estafettes arrivent à la fois de France ou de Pologne, et c’est ainsi que l’Empereur est renseigné. Mais, au départ de Smolensk vers la France, toutes les estafettes de retour sont enlevées, et, de cette date au 4 décembre, on ne trouve pas qu’une dépêche ait pu arriver ou partir. Il y a l’immense effort pour sauver ce qui reste de l’armée, la série des batailles de la Bérésina. Après des angoisses et des massacres, où l’armée a failli périr, on arrive à la fin à Smorgoni : la situation parait un peu détendue : elle le serait, si, au lieu de confier l’armée au roi de Naples, l’Empereur choisissait Eugène, mais celui-ci n’est pas roi.