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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/386

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L’EMPEREUR À PARIS

Il pare donc au plus pressé, et la traversée de l’Europe entière ne lui prend que quatorze jours. Le 19 décembre, au soir, il est aux Tuileries. Le 20, il reçoit les ministres, les grands corps de l’État, Sénat, Conseil d’État, cour impériale, Cour des Comptes, Université. De chacun, il reçoit l’effusion embarrassée de vœux qui, étant donnée la publication du vingt-neuvième bulletin, — celui annonçant le désastre, — exigeraient un autre élan, d’autres accents, et qui demeurent mous, sans vigueur, sans patriotisme, uniquement, semble-t-il, dictés par un faux esprit dynastique.

Deux de ses réponses aux grands corps de l’Etat méritent d’être retenues, les autres n’étant que banalités. Mais, au Sénat et au Conseil d’État, il adresse des paroles qui portent. Au Sénat, il annonce des projets auxquels il a réfléchi, qui tous concourraient à consolider le régime, à pourvoir aux défauts que Pasquier, Réal, Angles et Savary ont été unanimes à signaler : « J’ai à cœur, dit-il, la gloire et la puissance de la France, mais mes premières pensées sont pour tout ce qui peut perpétuer la tranquillité intérieure, et mettre à jamais mes peuples à l’abri des déchirements des factions et des horreurs de l’anarchie. C’est sur ces ennemis du bonheur des peuples que j’ai fondé avec la volonté et l’amour des Français le trône auquel sont attachées désormais les destinées de la patrie.

« Des soldats timides et lâches perdent l’indépendance des nations, mais des magistrats pusillanimes détruisent l’empire des lois, les droits du trône et l’ordre social lui-même.

« La plus belle mort serait celle d’un soldat qui périt au champ d’honneur, si la mort d’un magistrat périssant en défendant le souverain, le trône et les lois, n’était plus glorieuse encore.

« Lorsque j’ai entrepris la régénération de la France, j’ai demandé à la Providence un nombre d’années déterminé. On détruit dans un moment, mais on ne peut guère réédifier sans le secours du temps. Le plus grand besoin de l’Etat est celui de magistrats courageux.

« Nos pères avaient pour cri de ralliement : « Le Roi est mort ! Vive le Roi ! » Ce peu de mots contient les principaux avantages de la monarchie. Je crois avoir bien étudié l’esprit