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de soie blancs ; un fichu de taffetas « qu’on puisse nouer derrière ; » des bonnets de linon ornés de petites dentelles ; des manchettes et tours de linon pour les robes-chemises de percale ; des souliers gros bleu, d’autres gris, d’autres encore en taffetas puce, bleu et gris ; une paire de sabots chinois ; les chapeliers et les modistes ne chôment pas : Poupart, Elolïe, Mme Bertin apportent à la Tour des marmottes, des fanchons, des feutres, « un chapeau de castor noir en jockey ; » l’une de ces coiffures doit être particulièrement seyante, car Madame Elisabeth réclame « un chapeau pareil à celui de la Reine ; » voici une note de 1 961 livres 17 sols pour « étoffes de soie fournies au Temple par Barbier et Têtard, rue des Bourdonnais ; les factures de Prévost et de Laboullée, 551 livres de parfumerie… Ces comptes évoquent moins l’idée d’une détention qui ne doit plus finir que celle d’une élégante réduite à passer une saison dans l’isolement et qui prétend ne renoncer cependant à aucune de ses habitudes de luxe. Il semble que, chez Marie-Antoinette surtout, subsistera, durant quelque temps, une sorte d’incompréhension de la situation où elle se trouve : et quoi d’étonnant à ce que, tombée de si haut, elle n’ait pas conscience immédiate de la profondeur du gouffre ? Il faudra les coups redoublés du malheur acharné pour que la dignité, la résignation, la grandeur d’âme composent à la prisonnière du Temple un diadème impérissable plus imposant que la couronne qu’elle vient de perdre.

De deux mois ces commandes ne cesseront pas : on relève dans ces mémoires, pêle-mêle : un mobilier de salle à manger, tables, encoignures, servantes, fontaine et divers objets de service ; des jouets destinés au Dauphin, des ballons « un peu gros, » un sabot et son fouet, un jeu de Siam, deux paires de raquettes, douze volants, un jeu de dames, des dominos. Il faut aussi noter les quatorze volumes du Missel et Bréviaire de Paris pour Louis XVI, quatorze volumes de livres de prières pour la princesse Elisabeth. Les marchands profitent de l’aubaine ; leurs prix n’ont rien de démocratique : chaque paire de bas de soie, pour le Roi, 24 livres : ceux de la Reine coûtent 33 livres ; les corsets sont de 84 et de 120 livres ; un de 148 livres. Un petit couteau à manche d’écaille, à lame d’or, est acheté pour le Dauphin 160 livres.

L’Assemblée législative avait voté, le 12 août, qu’il serait