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qu’aucune loi ne condamne, et qui expie pourtant : hantise harcelante déjà comme un remords et qui, prolongée pendant trois ans, se propagera en perplexité douloureuse durant un siècle et plus. Car l’histoire, à qui l’on interdira de parler de lui, prendra plus tard sa revanche ; la vie de cet enfant provoquera dans la postérité plus de curiosité et suscitera plus de chroniqueurs que celle des grands conquérants, des monarques puissants ou des législateurs fameux.


Pour clore ces préliminaires, il convient de déterminer quelle était la composition du personnel du Temple vers la fin du premier mois de la captivité. Hue, pris une première fois et rendu, comme on l’a vu, par la Commune, ne continua son service que durant quelques jours : il quitta la Tour le 2 septembre ; en revanche, Cléry, le valet de chambre attaché au Dauphin depuis la naissance de celui-ci, se présentait, le 24 août, à Pétion et sollicitait la faveur de reprendre ses fonctions auprès de son jeune maître prisonnier. Sa demande fut agréée et il entra au Temple deux jours plus tard. Cléry comptait, à cette époque, trente-trois ans ; il avait épousé, quelques années auparavant, Marie-Elisabeth Duverger, artiste de la musique du Roi et des concerts spirituels de la Cour. Cléry abandonnait, pour assumer une tâche pénible et périlleuse, sa femme et plusieurs enfants.

Dans les premiers jours de sa détention, Louis XVI avait réclamé, « un homme et une femme pour faire le gros ouvrage. » Pétion envoya, le 19 août, les gens demandés : l’homme, Pierre-Joseph Tison, ancien commis aux barrières, originaire de Valenciennes, avait cinquante-sept ans ; sa femme était plus jeune d’une année ; leur fille, Pierrette fut, peu après, admise au Temple pour les aider dans leur service. On revêtit Tison d’une sorte de livrée « de forme et de couleur savoyard, » et il lui fut alloué, pour sa femme et pour lui, 9 000 livres de traitement ; on les attacha plus particulièrement au service de la Reine, de Madame Elisabeth et de Madame Royale.

La « Bouche, » dont les officiers se trouvaient dans l’aile gauche de la Cour d’honneur du Palais, fort loin de la Tour, comprenait un chef, Gagnié, un premier et un second chefs d’office, Remy et Masson, un rôtisseur, Meunier, sortant de la cuisine des Tuileries, un pâtissier, Nivet, un garçon de cuisine